Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/375

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— Avec lui, ma tante, avec cet homme ?

— Je suis dans mon bon sens, répliqua-t-elle, et je vous dis qu’il le faut ; trouvez-moi un fiacre. »

Quel que fut mon étonnement, je sentais que je n’avais pas le droit de désobéir à un ordre si péremptoire. Je fis précipitamment quelques pas, et j’appelai un fiacre qui passait à vide. J’avais à peine eu le temps de baisser le marchepied que ma tante s’élança dans la voiture, je ne sais comment, et que l’homme l’y suivit ; elle me fit signe de la main de m’éloigner, d’un tel air d’autorité, que, malgré ma surprise, je me détournai à l’instant. Au même moment, je l’entendis dire au cocher : « Allez n’importe où ! tout droit devant vous. » Et un instant après, le fiacre passa à côté de moi, gravissant la montagne.

Je me rappelai alors ce que m’avait dit M. Dick ; j’avais pris cela pour une illusion de son imagination, mais je ne pouvais plus douter que l’homme que je venais de voir ne fût la personne dont il m’avait fait la description mystérieuse, quoiqu’il me fût impossible d’imaginer quelle pouvait être la nature de ses droits sur ma tante. Après une demi-heure d’attente dans le cimetière, où il ne faisait pas chaud, je vis le fiacre revenir. Le cocher arrêta ses chevaux près de moi. Ma tante était seule.

Elle n’était pas encore assez bien remise de son agitation pour être en état de faire la visite que nous avions projetée. Elle me fit donc monter dans la voiture, et me pria de donner l’ordre au cocher de faire quelques tours au pas. Elle me dit seulement : « Mon cher enfant, ne me demandez jamais d’explications sur ce qui vient de se passer, n’y faites même jamais allusion. » Après un moment de silence, elle avait repris tout son sang-froid. Elle me dit qu’elle était tout à fait remise, et que nous pouvions descendre de voiture. Lorsqu’elle me donna sa bourse pour payer le cocher, je m’aperçus que toutes les pièces d’or avaient disparu, et qu’il ne restait plus que de la monnaie.

On arrivait à la porte des Doctors’-Commons par une porte voûtée un peu basse ; nous avions à peine fait quelques pas dans la rue qui y conduisait, que le bruit de la cité s’éteignait déjà dans le lointain, comme par enchantement ; des cours sombres et tristes, des allées étroites, nous amenèrent bientôt aux bureaux de MM. Spenlow et Jorkins, qui tiraient leur jour d’en haut. Dans le vestibule de ce temple, où les pèlerins