Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/393

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peu, que je ne sais pas ce que le commissionnaire dut croire, à moins qu’il n’ait imaginé que je prenais une leçon d’écriture. Je suis sûr que je fis au moins une demi-douzaine de brouillons. L’un commençait par « Comment puis-je espérer, ma chère Agnès, effacer jamais de votre souvenir l’impression de dégoût… » Là, je ne fus pas satisfait, et je le déchirai. Je commençai une autre lettre : « Shakspeare a fait déjà la remarque, ma chère Agnès, qu’il était bien étrange qu’on mît dans sa bouche son ennemi… » Ce on me rappela Markham et je n’allai pas plus loin. J’essayai même de la poésie ; je commençai un billet en vers de huit pieds :


Chère Agnès, laissez-moi vous dire.


Mais, je ne sais pourquoi, la tantirelire lire me revint à l’esprit, et cette rime absurde me fit renoncer à tout. Après bien des essais, voici ce que je lui écrivis :

« Ma chère Agnès, votre lettre vous ressemble ; que puis-je dire de plus en sa faveur ? Je serai chez vous à quatre heures. Croyez à mon affection et à mon repentir. T. C, etc. »

Le commissionnaire partit enfin avec cette missive que je fus vingt fois sur le point de rappeler dès qu’elle fut sortie de mes mains.

Si la journée fut à moitié aussi pénible pour qui que ce soit des légistes employés à Doctors’-Commons qu’elle le fut pour moi, je crois en vérité qu’il expia cruellement la part qui lui était échue, de ce vieux fromage ecclésiastique persillé. Je quittai mon bureau à trois heures et demie ; quelques minutes après j’errais dans les environs de la maison de M. Waterbrook, et pourtant le moment fixé pour mon rendez-vous était déjà passé depuis un quart d’heure au moins, d’après l’horloge de Saint- André, Holborn, avant que j’eusse rassemblé assez de courage pour tirer la sonnette particulière à gauche de la porte de M. Waterbrook.

Les affaires courantes de M. Waterbrook se faisaient au rez-de-chaussée, et celles d’un ordre plus relevé, fort nombreuses dans sa clientèle, se traitaient au premier étage. On me fit entrer dans un joli salon un peu étouffé, où je trouvai Agnès tricotant une bourse.

Elle avait l’air si paisible et si pur, et me rappela si vivement les jours de fraîche et douce innocence que j’avais passés à Canterbury, en contraste avec le misérable spectacle d’ivrognerie et de débauche que je lui avais présenté l’avant-