Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/40

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brumeuses), cela me parut la plus délicieuse retraite que pût concevoir l’imagination des hommes. Entendre le vent souffler sur la mer, savoir que le brouillard envahissait toute cette plaine désolée qui nous entourait, et se sentir près du feu, dans une maison absolument isolée, qui était un bateau, cela avait quelque chose de féerique. La petite Émilie avait surmonté sa timidité, elle était assise à côté de moi sur le coffre le moins élevé ; il y avait là tout juste de la place pour nous deux au coin de la cheminée ; mistress Peggotty avec son tablier blanc, tricotait au coin opposé ; Peggotty tirait l’aiguille, avec sa boîte au couvercle de saint Paul et le petit bout de cire qui semblaient n’avoir jamais connu d’autre domicile. Ham qui m’avait donné ma première leçon du jeu de bataille, cherchait à se rappeler comment on disait la bonne aventure, et laissait sur chaque carte qu’il retournait la marque de son pouce. M. Peggotty fumait sa pipe. Je sentis que c’était un moment propre à la conversation et à l’intimité.

« M. Peggotty ! lui dis-je.

— Monsieur, dit-il.

— Est-ce que vous avez donné à votre fils le nom de Ham, parce que vous vivez dans une espèce d’arche ? »

M. Peggotty sembla trouver que c’était une idée très profonde, mais il répondit :

« Non, monsieur, je ne lui ai jamais donné de nom.

— Qui lui a donc donné ce nom ? dis-je en posant à M. Peggotty la seconde question du catéchisme.

— Mais, monsieur, c’est son père qui le lui a donné, dit M. Peggotty.

— Je croyais que vous étiez son père.

— C’était mon frère Joe qui était son père, dit M. Peggotty.

— Il est mort, M. Peggotty ? demandai-je après un moment de silence respectueux.

— Noyé », dit M. Peggotty.

J’étais très étonné que M. Peggotty ne fût pas le père de Ham, et je me demandais si je ne me trompais pas aussi sur sa parenté avec les autres personnes présentes. J’avais si grande envie de le savoir, que je me déterminai à le demander à M. Peggotty.

« Et la petite Émilie, dis-je, en la regardant. C’est votre fille, n’est-ce pas, monsieur Peggotty ?

— Non, monsieur. C’était mon beau-frère, Tom, qui était son père. »