Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/436

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— Au reste, peu importe, dit Traddles ; grâce à son aide, je commençai par copier des papiers de procédure. Comme cela ne me rapportait pas grand’chose, je me mis à rédiger et à faire des extraits et autres travaux de ce genre. Je travaille comme un bœuf, vous savez, Copperfield ; si bien que j’expédiai lestement la besogne. Eh bien ! je me mis alors dans la tête de m’inscrire pour étudier le droit, et voilà le reste de mes cinquante guinées parti. Yawler m’avait pourtant recommandé dans deux ou trois études, celle de M. Waterbrook entre autres, et j’y fis assez bien mes petites affaires. J’eus le bonheur aussi de faire la connaissance d’un éditeur qui travaille à la publication d’une encyclopédie, et il m’a donné de l’ouvrage. Tenez ! au fait, je travaille justement pour lui dans ce moment. Je ne suis pas trop mauvais compilateur, dit Traddles en jetant sur sa table le même regard de confiance sereine, mais je n’ai pas la moindre imagination ; je n’en ai pas l’ombre. Je ne crois pas qu’on puisse rencontrer un jeune homme plus dépourvu d’originalité que moi. »

Comme-je vis que Traddles semblait attendre mon assentiment qu’il regardait comme tout naturel, je fis un signe de tête approbateur, et il continua avec la même bonhomie, car je ne puis trouver d’autre expression

« Ainsi donc, peu à peu, en vivant modestement, je suis enfin venu à bout de ramasser les cent livres sterling, et grâce à Dieu, c’est payé, quoique le travail ait été… ait certainement été… » Ici Traddles fit une nouvelle grimace comme s’il venait de se faire arracher une seconde dent. « Un peu rude. Je vis donc de tout ça, et j’espère arriver un de ces jours à écrire dans un journal ; pour le coup ce serait mon bâton de maréchal. Maintenant que vous voilà, Copperfield, vous êtes si peu changé, et je suis si content de revoir votre bonne figure que je ne puis rien vous cacher. Il faut donc que vous sachiez que je suis fiancé.

— Fiancé ! ô Dora !

— C’est à la fille d’un pasteur du Devonshire ; ils sont dix enfants. Oui ! ajouta-t-il en me voyant jeter un regard involontaire sur l’encrier ; voilà l’église ; on fait le tour par ici, et on sort à gauche par cette grille. » Il suivait avec son doigt sur l’encrier, « et là où je pose cette plume est le presbytère, en face de l’église ; vous comprenez bien ? »

Je ne compris qu’un peu plus tard tout le plaisir avec lequel il me donnait ces détails car, dans mon égoïsme, je suivais en