Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/440

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pour voir du monde, elle avait même mis une paire de gants bruns.

« Ma chère, dit M. Micawber en l’amenant vers moi, voilà un gentleman du nom de Copperfield qui vaudrait renouveler connaissance avec vous. »

II eût mieux valu, à ce qu’il paraît, ménager cette surprise car mistress Micawber, qui était dans un état de santé précaire, en fut tellement troublée et souffrante, que M. Micawber fut obligé de courir chercher de l’eau à la pompe de la cour et d’en remplir une cuvette pour lui baigner les tempes. Elle se remit pourtant bientôt et manifesta un vrai plaisir de me revoir. Nous restâmes encore à causer tous ensemble pendant une demi-heure, et je lui demandai des nouvelles des deux jumeaux, « qui étaient aujourd’hui, me dit-elle, grands comme père et mère. » Quant à maître Micawber et mademoiselle sa sœur, elle me les représenta comme de vrais géants, mais ils ne parurent pas dans cette occasion.

M. Micawber désirait infiniment me persuader de rester à dîner. Je n’y aurais fait aucune objection, si je n’avais cru lire dans les yeux de mistress Micawber un peu d’inquiétude en calculant la quantité de viande froide contenue dans le buffet. Je déclarai donc que j’étais engagé ailleurs, et remarquant que l’esprit de mistress Micawber semblait par là soulagé d’un grand poids, je résistai à toutes les insistances de son époux.

Mais je dis à Traddles et à M. et mistress Micawber, qu’avant de pouvoir me décider à les quitter, il fallait qu’ils m’indiquassent le jour qui leur conviendrait pour venir dîner chez moi. Les occupations qui tenaient Traddles à la chaîne nous obligèrent à fixer une époque assez éloignée, mais enfin on choisit un jour qui convenait à tout le monde, et là-dessus je pris congé d’eux.

M. Micawber, sous prétexte de me montrer un chemin plus court que celui par lequel j’étais venu, m’accompagna jusqu’au coin de la rue dans l’intention, ajouta-t-il, de dire quelques mots en confidence à un ancien ami.

« Mon cher Copperfield, me dit M. Micawber, je n’ai pas besoin de vous répéter que c’est pour nous, dans les circonstances actuelles, une grande consolation que d’avoir sous notre toit une âme comme celle qui resplendit, si je puis m’exprimer ainsi, qui resplendit chez votre ami Traddles. Avec une blanchisseuse qui vend des galettes pour plus proche voisine, et un sergent de ville comme habitant de la maison d’en face,