Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/472

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monsieur, dit M. Omer, sans un sentiment, de délicatesse. C’est un des désagréments de notre état. Quand il y a quelqu’un de malade, nous ne pouvons pas décemment demander comment il se porte. »

C’est une difficulté que je n’avais pas prévue : j’avais eu peur seulement en entrant, d’entendre encore une fois l’ancien toc, toc. Cependant, puisque M. Omer avait touché cette corde, je ne pouvais m’empêcher d’approuver sa délicatesse.

« Oui, oui, vous comprenez, dit M. Omer avec un signe de tête. Nous n’osons pas. Voyez-vous, ce serait un coup dont bien des gens ne se remettraient pas s’ils entendaient dire « Omer et Joram vous font faire leurs compliments et désirent savoir comment vous vous trouvez ce matin, ou cette après-midi, selon l’occasion. »

Nous échangeâmes un signe de tête, M. Omer et moi, et il reprit haleine à l’aide de sa pipe.

« C’est une des choses du métier qui nous interdisent bien des attentions qu’on serait souvent bien aise d’avoir, dit M. Omer. Voyez, moi, par exemple si, depuis quarante ans que je connais Barkis, je ne me suis pas dérangé pour lui, chaque fois qu’il passait devant ma porte, autant dire que je ne l’ai jamais connu ; eh bien ! avec tout cela, je ne puis pas aller chez lui demander comment il va. »

Je convins avec M. Omer que c’était bien désagréable.

« Je ne suis pas plus intéressé qu’un autre, dit M. Omer. Regardez-moi. Le souffle me manquera un de ces jours, et il n’est pas probable que je sois bien intéressé, ce me semble, dans la situation où je suis. Je dis que ce n’est pas probable, quand il s’agit d’un homme qui sait que le souffle lui manquera au premier jour, comme à un vieux soufflet crevé, surtout quand cet homme est grand-père, dit M. Omer.

— Ce n’est pas du tout probable, lui dis-je.

— Ce n’est pas non plus que je me plaigne de mon métier, dit M. Omer. Chaque état a son bon et son mauvais côté, on sait bien cela : tout ce que je demanderais, c’est qu’on élevât les gens de manière à ce qu’ils eussent l’esprit un peu plus fort. »

M. Omer fuma un instant en silence, avec un air de bonté et de complaisance ; puis il dit, en revenant à son premier point :

« Nous sommes donc obligés de nous contenter d’apprendre des nouvelles de Barkis par Émilie. Elle sait notre véritable