Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/73

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pour ma plus grands satisfaction. Mais ce qu’elle contenait de plus précieux, c’étaient deux demi-couronnes enveloppées dans un morceau de papier, sur lequel ma mère avait écrit : « Pour Davy avec toutes mes tendresses. » Cela m’émut tellement, que je demandai au voiturier d’avoir la bonté de me rendre mon mouchoir de poche ; mais il me répondit que selon lui, je ferais mieux de m’en passer, et je trouvai qu’il avait raison ; j’essuyai donc tout bonnement mes yeux sur ma manche et ce fut fini pour de bon.

Cependant il me restait encore de mes émotions passées, un profond sanglot de temps à autre. Après avoir ainsi voyagé pendant quelque temps, je demandai au voiturier s’il devait me conduire tout le long du chemin.

«  Jusqu’où ? demanda le voiturier.

— Eh bien ! jusque-là, dis-je.

— Où ça, là ? demanda le voiturier.

— Près de Londres, dis-je.

— Mais ce cheval-là, dit le voiturier en secouant les rênes pour me le montrer, serait plus mort qu’un cochon rôti, avant d’avoir fait la moitié du chemin.

— Vous n’allez donc que jusqu’à Yarmouth ? demandai-je.

— Justement, dit le voiturier. Et là je vous mettrai dans la diligence, et la diligence vous mènera où c’que vous allez. »

C’était beaucoup parler pour le voiturier (qui s’appelait M. Barkis), homme d’un tempérament flegmatique, comme je l’ai dit dans un chapitre précédent, et point du tout conversatif. Je lui offris un gâteau, comme marque d’attention ; il l’avala d’une bouchée, ainsi qu’aurait pu faire un éléphant, et sa large face ne bougea pas plus que n’aurait pu faire celle d’un éléphant.

« Est-ce que c’est elle qui les a faits ? dit M. Barkis, toujours penché, avec son air lourdaud, sur le devant de sa carriole, un bras placé sur chacun de ses genoux.

— C’est de Peggotty que vous voulez parler, monsieur !

— Ah ! dit M. Barkis. Elle-même.

— Oui, c’est elle qui fait tous les gâteaux chez nous, d’ailleurs elle fait toute la cuisine.

— Vraiment ? » dit M. Barkis.

Il arrondit ses lèvres comme pour siffler, mais il ne siffla pas. Il se pencha pour contempler les oreilles de son cheval, comme s’il y découvrait quelque chose de nouveau, et resta dans la même position pas mal de temps, enfin il me dit :