Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/209

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Je dis : « Entrez ! » On tape encore. Je vais ouvrir la porte, étonné qu’on n’entre pas, et là j’aperçois deux yeux très-brillants et une petite figure rougissante : c’est Dora. Miss Savinia lui a mis sa robe de noce, son chapeau, etc., etc., pour me la faire voir en toilette de mariée. Je serre ma petite femme sur mon cœur, et miss Savinia pousse un cri parce que je la chiffonne, et Dora rit et pleure tout à la fois de me voir si content mais je crois à tout cela moins que jamais.

« Trouvez-vous cela joli, mon cher Dody  ? me dit Dora.

— Joli ! je le crois bien que je le trouve joli !

— Et êtes-vous bien sûr de m’aimer beaucoup ? » dit Dora.

Cette question fait courir de tels dangers au chapeau que miss Savinia pousse un autre petit cri, et m’avertit que Dora est là seulement pour que je la regarde, mais que sous aucun prétexte, il ne faut y toucher. Dora reste donc devant moi, charmante et confuse, tandis que je l’admire ; puis elle ôte son chapeau (comme elle a l’air gentil sans ce chapeau) et elle se sauve en l’emportant ; puis elle revient dans sa robe de tous les jours, et elle demande à Jip si j’ai une belle petite femme, et s’il pardonne à sa maîtresse de se marier ; et, pour la dernière fois de sa vie de jeune fille, elle se met à genoux pour le faire tenir debout sur le livre de cuisine.

Je vais me coucher, plus incrédule que jamais, dans une petite chambre que j’ai là tout près ; et le lendemain matin je me lève de très-bonne heure pour aller à Highgate, chercher ma tante.

Jamais je n’avais vu ma tante dans une pareille tenue. Elle a une robe de soie gris perle, avec un chapeau bleu ; elle est superbe. C’est Jeannette qui l’a habillée, et elle reste là à me regarder. Peggotty est prête à partir pour l’église, et compte voir la cérémonie du haut des tribunes. M. Dick, qui doit servir de père à Dora, et me la « donner pour femme » au pied de l’autel, s’est fait friser. Traddles, qui est venu me trouver à la barrière m’éblouit par le plus éclatant mélange de couleur de chair et de bleu de ciel ; M. Dick et lui me font l’effet d’avoir des gants de la tête aux pieds.

Sans doute je vois ainsi les choses, parce que je sais que c’est toujours comme cela ; mais ce n’en est pas moins un rêve, et tout ce que je vois n’a rien de réel. Et pourtant, pendant que nous nous dirigeons vers l’église en calèche découverte, ce mariage féerique est assez réel pour me remplir d’une sorte de compassion pour les infortunés qui ne se marient pas comme