Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/248

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« On me dit que vous désirez me parler, misa Dartle, lui dis-je, en me tenant d’abord près d’elle, la main appuyée sur le dossier du banc.

— Oui, dit-elle. Faites-moi le plaisir de me dire si on a retrouvé cette fille ?

— Non.

— Et pourtant elle s’est sauvée ? »

Je voyais ses lèvres minces se contracter en me parlant, comme si elle mourait d’envie d’accabler Émilie de reproches.

— Sauvée ? répétai-je.

— Oui ! elle l’a laissé ! dit-elle en riant ; si on ne l’a pas retrouvée maintenant, peut-être qu’on ne la retrouvera jamais. Elle est peut-être morte ! »

Jamais je n’ai vu, sur aucun autre visage, une pareille expression de cruauté triomphante.

«  La mort serait peut-être le plus grand bonheur que pût lui souhaiter une femme, lui dis-je ; je suis bien aise de voir que le temps vous ait rendue si indulgente, miss Dartle. »

Elle ne daigna pas me répondre, et se tourna vers moi avec un sourire méprisant.

« Les amis de cette excellente et vertueuse personne sont vos amis ; vous êtes leur champion, et vous défendez leurs droits. Voulez-vous que je vous dise tout ce qu’on sait d’elle ?

— Oui, » répondis-je.

Elle se leva avec un sourire méchant, et s’avança vers une haie de houx qui était tout près, et qui séparait la pelouse du potager, puis elle se mit à crier : « Venez ici ! » comme si elle appelait quelque animal immonde.

« J’espère que vous ne vous permettrez aucun acte de vengeance ou de représailles en ce lieu, monsieur Copperfield ? » dit-elle en me regardant toujours avec la même expression.

Je m’inclinai sans comprendre ce qu’elle voulait dire, et elle répéta une seconde fois : « Venez ici ! » Alors je vis apparaître le respectable M. Littimer, qui, toujours aussi respectable, me fit un profond salut, et se plaça derrière elle. Miss Dartle s’étendit sur le banc, et, me regarda d’un air de triomphe et de malice, dans lequel il y avait pourtant, chose bizarre, quelque grâce féminine, quelque attrait singulier ; elle avait l’air de ces cruelles princesses qu’on ne trouve que dans les contes de fées.

« Et maintenant, lui dit-elle d’un ton impérieux, sans même