Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/291

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— Messieurs, répondit M. Micawber, faites de moi tout ce que vous voudrez ! Je suis une paille emportée par l’Océan en furie ; je suis ballotté en tout sens par les éléphants, je vous demande pardon, c’est par les éléments que j’aurais dû dire. »

Nous nous remîmes en marche bras dessus bras dessous ; nous prîmes bientôt l’omnibus et nous arrivâmes sans encombre à Highgate. J’étais fort embarrassé, je ne savais que faire ni que dire. Traddles ne valait pas mieux. M. Micawber était sombre. De temps à autre il faisait un effort pour se remettre en sifflant quelques fragments de chansonnettes ; mais il retombait bientôt dans une profonde mélancolie et plus il semblait abattu, plus il mettait son chapeau sur l’oreille, plus il tirait son col de chemise jusqu’à ses yeux.

Nous nous rendîmes chez ma tante plutôt que chez moi, parce que Dora était souffrante. Ma tante accueillit M. Micawber avec une gracieuse cordialité. M. Micawber lui baisa la main, se retira dans un coin de la fenêtre, et, sortant son mouchoir de sa poche, se livra une lutte intérieure contre lui-même.

M. Dick était à la maison. Il avait naturellement pitié de tous ceux qui paraissaient mal à leur aise, et il les découvrait si vite qu’il donna bien dix poignées de main à M. Micawber en cinq minutes. Cette affection, à laquelle il ne pouvait s’attendre de la part d’un étranger, toucha tellement M. Micawber, qu’il répétait à chaque instant : « Mon cher monsieur, c’en est trop ! » Et M. Dick, encouragé par ses succès, revenait à la charge avec une nouvelle ardeur.

« La bonté de ce monsieur, madame, dit M. Micawber à l’oreille de ma tante, si vous voulez bien me permettre d’emprunter une figure fleurie au vocabulaire de nos jeux nationaux un peu vulgaires, me passe la jambe ; une pareille réception est une épreuve bien sensible pour un homme qui lutte, comme je le fais, contre un tas de troubles et de difficultés.

— Mon ami M. Dick, reprit fièrement ma tante, n’est pas un homme ordinaire.

— J’en suis convaincu madame, dit M. Micawber. Mon cher monsieur, continua-t-il, car M. Dick lui serrait de nouveau les mains, je sens vivement votre bonté !

— Comment allez-vous ? dit M. Dick d’un air affectueux.

— Comme ça, monsieur, répondit en soupirant M. Micawber.

— Il ne faut pas se laisser abattre, dit M. Dick bien au contraire ; tâchez de vous égayer comme vous pourrez. »