Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/295

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pas senti au bout ce nom odieux qui lui rendait courage. « Qu’un secret inviolable soit gardé !… Pas d’exceptions !… D’aujourd’hui en huit, à l’heure du déjeuner… que tous ceux qui sont ici présents… y compris la tante… et cet excellent monsieur… se trouvant réunis à l’hôtel de Canterbury. Ils y rencontreront mistress Micawber et moi. Nous chanterons en chœur le souvenir des beaux jours enfuis, et. je démasquerai cet épouvantable scélérat de Heep ! Je n’ai rien de plus à dire… rien de plus à entendre… Je m’élance immédiatement, car la société me pèse… sur les traces de ce traître, de ce scélérat, de ce brigand de Heep ! »

Et après cette dernière répétition du mot magique qui l’avait soutenu jusqu’au bout, après y avoir épuisé tout ce qui lui restait de force, M. Micawber se précipita hors de la maison nous laissant tous dans un tel état d’excitation, d’attente et d’étonnement, que nous n’étions guère moins haletants, moins essoufflés que lui. Mais, même alors, il ne put résister à sa passion épistolaire, car, tandis que nous étions encore dans le paroxysme de notre excitation, de notre attente et de notre étonnement, on m’apporta le billet suivant, qu’il venait de m’écrire dans un café du voisinage :


« Très-secret et confidentiel.
« Mon cher Monsieur,

« Je vous prie de vouloir bien transmettre à votre excellente tante toutes mes excuses pour l’agitation que j’ai laissé paraître devant elle. L’explosion d’un volcan longtemps comprimé a suivi une lutte intérieure que je ne saurais décrire. Vous la devinerez.

« J’espère vous avoir fait comprendre, cependant, que d’aujourd’hui en huit je compte sur vous, au café de Canterbury, là où jadis nous eûmes l’honneur, mistress Micawber et moi, d’unir nos voix à la vôtre pour répéter les fameux accents du douanier immortel nourri et élevé sur l’autre rive de la Tweed.

« Une fois ce devoir rempli et cet acte de réparation accompli, le seul qui puisse me rendre le courage d’envisager mon prochain en face, je disparaîtrai pour toujours, et je ne demanderai plus qu’à être déposé dans ce lieu d’asile universel

Où dorment pour toujours dans leur étroit caveau
Les ancêtres obscurs de cet humble hameau.


avec cette simple inscription :

« Wilkins Micawber. »