Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/305

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Rosa Dartle souriait toujours.

« Que voulez-vous donc que je fasse !

— Ce que je veux que vous fassiez ! reprit Rosa, mais vous pouvez vivre heureuse, avec vos souvenirs. Vous pouvez passer votre vie à vous rappeler la tendresse de James Steerforth ; il voulait vous faire épouser son domestique, n’est-ce pas ? Ou bien vous pouvez songer avec reconnaissance à l’honnête homme qui voulait bien accepter l’offre de son maître. Vous pouvez encore, si toutes ces douces pensées, si le souvenir de vos vertus et de la position honorable qu’elles vous ont acquise, ne suffisent pas à remplir votre cœur, vous pouvez épouser cet excellent homme, et mettre à profit sa condescendance. Si cela n’est pas assez pour vous satisfaire, alors mourez ! Il ne manque pas d’allées ou de tas d’ordures qui sont bons pour aller y mourir quand on a de ces chagrins-là. Allez en chercher un ; pour vous envoler de là vers le ciel ! »

J’entendis marcher. J’en étais bien sûr, c’était lui. Que Dieu soit loué !

Elle s’approcha lentement de la porte, et disparut à mes yeux.

« Mais rappelez-vous ! ajouta-t-elle d’une voix lente et dure, que je suis bien décidée, par des raisons à moi connues, et des haines qui me sont personnelles, à vous poursuivre partout, à moins que vous ne vous enfuyiez loin de moi, ou que vous jetiez ce beau petit masque d’innocence que vous voulez prendre. Voilà ce que j’avais à vous dire, et ce que je dis, je veux le faire. »

Les pas se rapprochaient, on venait ; on entra, on se précipita dans la chambre.

« Mon oncle !» »

Un cri terrible suivit ces paroles. J’attendis un moment, avant d’entrer, et je le vis tenant dans ses bras sa nièce évanouie. Un instant il contempla son visage ; puis il se baissa pour l’embrasser, oh avec quelle tendresse ! et posa doucement un mouchoir sur la tête d’Émilie.

« Maître Davy, dit-il d’une voix basse et tremblante, quand il eut couvert le visage de la jeune femme, je bénis notre Père céleste, mon rêve s’est réalisé. Je lui rends grâces de tout mon cœur pour m’avoir, selon son bon plaisir, ramené mon enfant ! »

Puis il l’enleva dans ses bras, pendant qu’elle restait la face