Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/313

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mettra à la voile. J’ai été à bord de ce bâtiment: c’est sur celui-là que nous nous embarquerons.

— Tout seuls ? demandai-je.

— Oui, maître Davy ! répondit-il ; ma sœur, voyez-vous, vous aime trop vous et les vôtres ; elle ne voit rien de si beau que son pays natal ; il ne serait pas juste de la laisser partir. D’ailleurs, maître Davy, elle a à prendre soin de quelqu’un qu’il ne faut pas oublier.

— Pauvre Ham ! m’écriai-je.

— Ma bonne sœur prend soin de son ménage, voyez-vous, madame, et lui, il a beaucoup d’amitié pour elle, ajouta-t-il pour mettre ma tante bien au courant. Il lui parlera peut-être tout tranquillement, quand il ne pourrait pas ouvrir la bouche à d’autres. Pauvre gargon ! dit M. Peggotty en hochant la tête, il lui reste si peu de chose ! on peut bien au moins lui laisser ce qu’il a.

— Et mistress Gummidge ? demandai-je.

— Ah ! répondit M. Peggotty, d’un air embarrassé, qui ne tarda pas à se dissiper, à mesure qu’il parlait, mistress Gummidge m’a donné bien à penser. Voyez-vous, quand mistress Gummidge se met à broyer du noir, en songeant à l’ancien, elle n’est pas ce qu’on appelle d’une compagnie bien agréable. Entre nous, maître Davy, et vous, madame, quand mistress Gummidge se met à pleurnicher, ceux qui n’ont pas connu l’ancien la trouvent grognon. Moi qui ai connu l’ancien, ajouta-t-il, et qui sais tout ce qu’il valait, je puis la comprendre ; mais ce n’est pas la même chose pour les autres, voyez-vous c’est tout naturel ! »

Nous fîmes un signe d’approbation.

« Ma sœur, reprit M. Peggotty, pourrait bien, ce n’est pas sûr, mais c’est possible, pourrait bien trouver parfois mistress Gummidge un peu ennuyeuse. Je n’ai donc pas l’intention de laisser mistress Gummidge demeurer chez eux ; je lui trouverai un endroit où elle pourra se tirer d’affaire. Et pour cela, dit M. Peggotty, je compte lui faire une petite pension qui puisse la mettre à son aise. C’est la meilleure des femmes ! Mais, à son âge, on ne peut s’attendre à ce que cette bonne vieille mère, qui est déjà si seule et si triste, aille s’embarquer pour venir vivre dans le désert, au milieu des forêts d’un pays quasi sauvage. Voilà donc ce que je compte faire d’elle. »

Il n’oubliait personne. Il pensait aux besoins et au bonheur de tous, excepté au sien.