Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/33

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nous embrassaient tous. Pendant un moment le silence fut complet.

Elle fit signe à M. Peggotty de s’asseoir.

« Il ne me semblerait pas naturel, madame, dit-il à voix basse, de m’asseoir dans cette maison ; j’aime mieux me tenir debout. » Nouveau silence, qu’elle rompit encore en disant :

« Je sais ce qui vous amène ici ; je le regrette profondément. Que voulez-vous de moi ? que me demandez-vous de faire ? »

Il mit son chapeau sous son bras, et cherchant dans son sein la lettre de sa nièce, la tira, la déplia et la lui donna.

«  Lisez ceci, s’il vous plaît, madame. C’est de la main de ma nièce ! »

Elle lut, du même air impassible et grave ; je ne pus saisir sur ses traits aucune trace d’émotion, puis elle rendit la lettre.

« À moins qu’il ne me ramène après avoir fait de moi une dame, » dit M. Peggotty, en suivant les mots du doigt : Je viens savoir, madame, s’il tiendra sa promesse ?

— Non, répliqua-t-elle.

— Pourquoi non ? dit M. Peggotty.

— C’est impossible. Il se déshonorerait. Vous ne pouvez pas ignorer qu’elle est trop au-dessous de lui.

— Élevez-la jusqu’à vous ! dit M. Peggotty.

— Elle est ignorante et sans éducation.

— Peut-être oui, peut-être non, dit M. Peggotty. Je ne le crois pas, madame, mais je ne suis pas juge de ces choses-là. Enseignez-lui ce qu’elle ne sait pas !

— Puisque vous m’obligez à parler plus catégoriquement ; ce que je ne fais qu’avec beaucoup de regret, sa famille est trop humble pour qu’une chose pareille soit possible, quand même il n’y aurait pas d’autres obstacles.

— Écoutez-moi, madame, dit-il lentement et avec calme : Vous savez ce que c’est que d’aimer son enfant ; moi aussi. Elle serait cent fois mon enfant que je ne pourrais pas l’aimer davantage. Mais vous ne savez pas ce que c’est que de perdre son enfant ; moi je le sais. Toutes les richesses du monde, si elles étaient à moi, ne me coûteraient rien pour la racheter. Arrachez-la à ce déshonneur, et je vous donne ma parole que vous n’aurez pas à craindre l’opprobre de notre alliance. Pas un de ceux qui l’ont élevée, pas un de ceux qui ont vécu avec elle, et qui l’ont regardée comme leur trésor depuis tant d’années, ne verra plus jamais son joli visage. Nous renoncerons elle était à elle, nous nous contenterons d’y penser, comme si