Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/43

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de mon mieux l’accolade en présence de M. Spenlow et de tous les clercs.

M. Spenlow n’avait pas l’air de savoir quel était le lien qui existait entre M. Murdstone et moi et j’en étais bien aise, car je ne pouvais supporter de le reconnaître moi-même, me souvenant comme je le faisais de l’histoire de ma pauvre mère. M. Spenlow semblait croire, s’il croyait quelque chose, qu’il s’agissait d’une différence d’opinion politique : que ma tante était à la tête du parti de l’État dans notre famille, et qu’il y avait un parti de l’opposition commandé par quelque autre personne : du moins ce fut la conclusion que je tirai de ce qu’il disait, pendant que nous attendions le compte de Pegotty que rédigeait M. Tiffey.

« Miss Trotwood, me dit-il, est très-ferme, et n’est pas disposée à céder à l’opposition, je crois. J’admire beaucoup son caractère, et je vous félicite, Copperfield, d’être du bon côté. Les querelles de famille sont fort à regretter, mais elles sont très-communes, et la grande affaire est d’être du bon côté. »

Voulant dire par là, je suppose, du coté de l’argent.

« Il fait là, à ce que je puis croire, un assez bon mariage, dit M. Spenlow. »

Je lui expliquai que je n’en savais rien du tout.

« Vraiment ? dit-il. D’après les quelques mots que M. Murdstone a laissé échapper, comme cela arrive ordinairement en pareil cas, et d’après ce que miss Murdstone m’a laissé entendre de son côté, il me semble que c’est un assez bon mariage.

— Voulez-vous dire qu’il y a de l’argent, monsieur, demandai-je.

— Oui, dit M. Spenlow, il paraît qu’il y a de l’argent, et de la beauté aussi, dit-on.

— Vraiment? sa nouvelle femme est-elle jeune ?

— Elle vient d’atteindre sa majorité, dit M. Spenlow. Il y a si peu de temps que je pense bien qu’ils n’attendaient que ça.

— Dieu ait pitié d’elle ! dit Peggotty si brusquement et d’un ton si pénétré que nous en fûmes tous un peu troublés, jusqu’au moment où Tiffey arriva avec le compte. »

Il apparut bientôt et tendit le papier à M. Spenlow pour qu’il le vérifiât. M. Spenlow rentra son menton dans sa cravate, puis le frottant doucement, il relut tous les articles d’un bout à l’autre, de l’air d’un homme qui voudrait bien en rabattre quelque chose, mais que voulez-vous, c’était la faute