Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/54

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je partis pour me rendre chez miss Mills, avec une déclaration sur les lèvres.

II est inutile de dire maintenant combien de fois je montai la rue pour la redescendre ensuite, combien de fois je fis le tour de la place, en sentant très-vivement que j’étais bien mieux que la lune le mot de la vieille énigme, avant de me décider à gravir les marches de la maison, et à frapper à la porte. Quand j’eus enfin frappé, en attendant qu’on m’ouvrît, j’eus un moment l’idée de demander, si ce n’était pas là que demeurait M. Blackboy (par imitation de ce pauvre Barkis), de faire mes excuses et de m’enfuir. Cependant je ne lâchai pas pied.

M. Mills n’était pas chez lui. Je m’y attendais. Qu’est-ce qu’on avait besoin de lui ? Miss Mills était chez elle, il ne m’en fallait pas davantage.

On me fit entrer dans une pièce au premier, où je trouvai miss Mills et Dora ; Jip y était aussi. Miss Mills copiait de la musique (je me souviens que c’était une romance nouvelle intitulée le De profundis de l’amour), et Dora peignait des fleurs. Jugez de mes sentiments quand je reconnus mes fleurs, le bouquet du marché de Covent-Garden ! le ne puis pas dire que la ressemblance fût frappante, ni que j’eusse jamais vu des fleurs de cette nature. Mais je reconnus l’intention de la composition, au papier qui enveloppait le bouquet et qui était, lui, très-exactement copié.

Miss Mills fut ravie de me voir ; elle regrettait infiniment que son papa fût sorti, quoiqu’il me semblât que nous supportions tous son absence avec magnanimité. Miss Mills soutint la conversation pendant un moment, puis passant sa plume sur le De profundis de l’amour, elle se leva et quitta la chambre.

Je commençais à croire que je remettrais la chose au lendemain.

« J’espère que votre pauvre cheval n’était pas trop fatigué quand vous êtes rentré l’autre soir, me dit Dora en levant ses beaux yeux, c’était une longue course pour lui. »

Je commençais à croire que ce serait pour le soir même.

« C’était une longue course pour lui, sans doute, répondis-je, car le pauvre animal n’avait rien pour le soutenir pendant le voyage.

— Est-ce qu’on ne lui avait pas donné à manger ? pauvre bête ! » demanda Dora.

Je commençais à croire que je remettrais la chose au lendemain. ·