Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/70

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de long en large dans la chambre, en plissant avec ses doigts les garnitures de son bonnet de nuit. Je fis chauffer l’ale, et griller Je pain d’après les principes adoptés. Quand le breuvage fut prêt, ma tante se trouva prête aussi, son bonnet de nuit sur la tête, et la jupe de sa robe relevée sur ses genoux.

« Mon cher, me dit-elle, après avoir avalé une cuillerée de liquide ; c’est infiniment meilleur que le vin, et beaucoup moins bilieux. »

Je suppose que je n’avais pas l’air bien convaincu, car elle ajouta :

« Ta… ta… ta… mon garçon, s’il ne nous arrive rien de pis que de boire de l’ale, nous n’aurons pas à nous plaindre.

— Je vous assure, ma tante, lui dis-je, que s’il ne s’agissait que de moi, je serais loin de dire le contraire.

— Eh bien ! alors, pourquoi n’est-ce pas votre avis ?

— Parce que vous et moi, ce n’est pas la même chose, repartis-je.

— Allons donc, Trot, quelle folie ! » répliqua-t-elle.

Ma tante continua avec une satisfaction tranquille, qui ne laissait percer aucune affectation, je vous assure, à boire son ale chaude, par petites cuillerées, en y trempant ses rôties.

« Trot, dit-elle, je n’aime pas beaucoup les nouveaux visages, en général ; mais votre Barkis ne me déplaît pas, savez-vous ?

— On m’aurait donné deux mille francs, ma tante, qu’on ne m’aurait pas fait tant de plaisir ; je suis heureux de vous voir l’apprécier.

— C’est un monde bien extraordinaire que celui où nous vivons, reprit ma tante en se frottent le nez ; je ne puis m’expliquer où cette femme est allée chercher un nom pareil. Je vous demande un peu, s’il n’était pas cent fois plus facile de naître une Jakson, ou une Robertson, ou n’importe quoi du même genre.

— Peut-être est-elle de votre avis, ma tante ; mais enfin ce n’est pas sa faute.

— Je pense que non, repartit ma tante, un peu contrariée d’être obligée d’en convenir ; mais ce n’en est pas moins désespérant. Enfin, à présent elle s’appelle Barkis, c’est une consolation. Barkis vous aime de tout son cœur, Trot.

— Il n’y a rien au monde qu’elle ne fût prête à faire pour m’en donner la preuve.

— Rien, c’est vrai, je le crois, dit ma tante ; croiriez-vous