Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/78

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je vous assure qu’il y a des objections, monsieur Copperfield, insurmontables : ce que vous désirez est impossible… j’ai vraiment un rendez-vous à la Banque. » Là-dessus il se sauva en courant, et, d’après ce que j’ai su, il se passa trois jours avant qu’il reparût à l’étude.

J’étais décidé à remuer ciel et terre, s’il le fallait. J’attendis donc le retour de M. Spenlow, pour lui raconter mon entrevue avec son associé, en lui laissant entendre que je n’étais pas sans espérances qu’il fût possible d’adoucir l’inflexible Jorkins, s’il voulait bien entreprendre cette tâche.

« Copperfield, repartit M. Spenlow avec un sourire fin, vous ne connaissez pas mon associé M. Jorkins depuis aussi longtemps que moi. Rien n’est plus loin de mon esprit que la pensée de supposer M. Jorkins capable d’aucun artifice, mais M. Jorkins a une manière de poser ses objections qui trompe souvent les gens. Non, Copperfield ! ajouta-t-il en secouant la tête, il n’y a, croyez-moi, aucun moyen d’ébranler M. Jorkins. »

Je commençai à ne pas trop savoir lequel des deux, de M. Spenlow ou de M. Jorkins, était réellement l’associé d’où venaient les difficultés, mais je voyais très-clairement qu’il y avait quelque part chez l’un ou l’autre un endurcissement invincible et qu’il ne fallait plus compter le moins du monde sur le remboursement des mille livres sterling de ma tante. Je quittai donc l’étude dans un état de découragement que je ne me rappelle pas sans remords, car je sais que c’était l’égoïsme (l’égoïsme à nous deux Dora) qui en faisait le fond, et je m’en retournai chez nous !

Je travaillais à familiariser mon esprit avec ce qui pourrait arriver de pis, et je tâchais de me représenter les arrangements qu’il faudrait prendre, si l’avenir se présentait à nous sous les couleurs les plus sombres, quand un fiacre qui me suivait s’arrêta juste à côté de moi et me fit lever les yeux. On me tendait une main blanche par la portière, et j’aperçus le sourire de ce visage que je n’avais jamais vu sans éprouver un sentiment de repos et de bonheur, depuis le jour où je l’avais contemplé sur le vieil escalier de chêne à large rampe, et que j’avais associé dans mon esprit sa beauté sereine avec le doux coloris des vitraux d’église.

« Agnès ! m’écriai-je avec joie. Oh ! ma chère Agnès, quel plaisir de vous voir ; vous plutôt que toute autre créature humaine !

— Vraiment ? dit-elle du ton le plus cordial. J’ai si grand