Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/90

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Il y avait un mendiant dans la rue quand je descendis, et, au moment où je me retournais du coté de la fenêtre, en pensant au regard calme et pur de ma jeune amie, à ses yeux angéliques, il me fit tressaillir en murmurant, comme un écho du matin :

« Aveugle ! aveugle ! aveugle ! »


Je commençai la journée du lendemain en allant me plonger encore dans l’eau des bains romains, puis je pris le chemin de Highgate. J’étais sorti de mon abattement ; je n’avais plus peur des habits râpés, et je ne soupirais plus après les jolis coursiers gris. Toute ma manière de considérer nos malheurs était changée. Ce que j’avais à faire, c’était de prouver à ma tante que ses bontés passées n’avaient pas été prodiguées à un être ingrat et insensible. Ce que j’avais à faire, c’était de profiter maintenant de l’apprentissage pénible de mon enfance et de me mettre à l’œuvre avec courage et résolution. Ce que j’avais à faire, c’était de prendre résolument la hache du bûcheron à la main pour m’ouvrir un chemin à travers la forêt des difficultés où je me trouvais égaré, en abattant devant moi les arbres enchantés qui me séparaient encore de Dora : et je marchais à grande pas comme si c’était un moyen d’arriver plus tôt à mon but.

Quand je me retrouvai sur cette route de Highgate qui m’était si familière, et que je suivais aujourd’hui dans des dispositions si différentes de mes anciennes idées de plaisir, il me sembla qu’un changement complet venait de s’opérer dans ma vie ; mais je n’étais pas découragé. De nouvelles espérances, un nouveau but, m’étaient apparue en même temps que ma vie nouvelle. Le travail était grand, mais la récompense était sans prix. C’était Dora qui était la récompense, et il fallait bien conquérir Dora.

J’étais dans de tels transports de courage que je regrettais que mon habit ne fût pas déjà un peu râpé ; il me tardait de