Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/120

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« — Elle est fort spirituelle, » répondis-je.

« — Spirituelle ! » répliqua Steerforth. « C’est l’esprit le plus pointu et le plus tranchant qu’il y ait au monde, un esprit qui cherche à s’aiguiser de plus en plus, au risque de devenir une vraie lame de rasoir, comme sa figure et toute sa personne.

» — Quelle singulière cicatrice j’ai remarqué à sa lèvre, » dis-je.

Ma remarque, qui était aussi une question, fit sourciller Steerforth, et ce ne fut qu’après une espèce de retour muet sur lui-même, qu’il me répondit :

« — C’est moi qui la lui ai faite.

» — Par quelque malheureux accident, sans doute ?

» — Non ! j’étais tout enfant ; elle m’irrita et je lui jetai un marteau à la tête… Je devais être un petit ange de douceur à cet âge ! »

Je regrettai vivement d’avoir touché un pareil sujet, mais Steerforth continua :

« — Elle en a conservé la marque, comme vous voyez, et elle la portera jusqu’au tombeau… si elle repose jamais dans un tombeau… car je doute que Rosa trouve le repos nulle part. Elle est la fille d’un cousin de mon père, et elle devint orpheline peu de temps