Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/279

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tin je me levai le plus insensé des amoureux.

La matinée était belle ; je crus pouvoir aller promener ma rêverie solitaire et adorer l’image de Dora sous un de ces berceaux en treillage qui attendaient les fleurs du printemps. En traversant le vestibule, je rencontrai son petit chien, qu’elle appelait Jip… abréviation de Gipsy. Je m’approchai de lui tendrement, car j’aimais aussi le chien de Dora… mais il me montra les dents, se glissa sous une chaise exprès pour grogner, et ne me permit pas la moindre familiarité.

Le jardin était frais et je m’y égarai en songeant aux béatitudes dont je jouirais si j’obtenais jamais l’amour de ma déesse. Quant au mariage, à la fortune et à tout le reste, je crois que j’étais alors tout aussi innocent et désintéressé que lorsque j’aimais la petite Émilie. Avoir la permission de l’appeler « Dora, » de lui écrire, de l’adorer, de pouvoir penser que j’occupais une place dans son souvenir, me semblait le plus haut degré de l’ambition humaine. C’était le plus haut degré de la mienne. Je n’étais qu’un novice bien sentimental et bien niais, sans doute… mais dans tout cela il y avait aussi une pureté de cœur qui m’em-