Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/76

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choisi, pour les siens, deux autres bouchers, un petit publicain et un ramoneur. Les préliminaires étant réglés, nous voilà face à face, et nous mettons habits bas. En un instant, le boucher m’assène sur le sourcil gauche un coup de poing qui me fait voir dix mille étoiles. L’instant d’après, je ne sais plus où est la muraille, ni où je suis, ni où sont mes témoins ; je rends cependant de mon mieux les coups que je reçois, et déjà nous trébuchons tous les deux, mais je commence à entrevoir que je ne frappe plus qu’au hasard. Enfin, je tombe étourdi, tout tourbillonne autour de moi et, quand j’entr’ouvre la paupière, je reconnais le boucher qui, félicité par ses quatre témoins, s’éloigne en remettant sa veste, d’où je conclus trop justement, hélas ! que c’est lui qui est le vainqueur.

On me transporte à la maison dans un piteux état ; on m’applique sur les yeux des beefsteaks crus, on me frotte avec du vinaigre et de l’eau-de-vie : j’ai, sur la lèvre supérieure, une grosse tumeur qui se gonfle de plus en plus. Pendant trois ou quatre jours, je ne quitte pas mon fauteuil et je garde une visière verte. Je serais bien triste si Agnès ne se montrait pour moi une sœur tendre, me consolant, me faisant la