Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/233

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M. Baps s’éloigna un moment pour aller tenir compagnie à Mme Baps, qui, se voyant tout à fait délaissée, faisait semblant de suivre sur la musique les morceaux que l’artiste jouait sur la harpe. Sir Barnet Skettles l’accompagna du regard dans l’idée que c’était un homme éminent. Il le dit quelques instants après au docteur Blimber : « Ne serait-ce pas être indiscret de vous demander qui est ce monsieur ? N’a-t-il pas été ministre du commerce ?

— Non, répondit le docteur Blimber, je ne crois pas. C’est tout bonnement un professeur de…

— De quelque science en rapport avec la statistique, je le parierais ? dit sir Barnet Skettles.

— Mais non, sir Barnet, répondit le docteur Blimber en se frottant le menton, non, pas précisément.

— De quelque science exacte alors, c’est immanquable ?

— Eh bien ! oui, dit le docteur Blimber, mais pas tout à fait du même genre. M. Baps est un très-digne homme, sir Barnet, mais c’est tout bonnement notre maître de danse. »

Paul fut étonné de voir que l’opinion de sir Barnet Skettles sur M. Baps avait changé tout à coup à cette nouvelle, au point qu’il s’éloigna furieux en lançant du bout du salon des regards de colère du côté de M. Baps. Sir Barnet alla même jusqu’à jurer, en racontant à lady Skettles ce qui s’était passé, ajoutant qu’il fallait qu’un homme fût bien im-per-ti-nent pour se permettre une telle im-pu-dence.

Paul remarqua encore autre chose ; M. Feeder après avoir absorbé plusieurs verres de bichoff commença à s’animer. On dansait en général d’une manière cérémonieuse et la musique était presque solennelle, un peu dans le genre des musiques d’église. Mais quand M. Feeder eut absorbé ses verres de bichoff, il dit à M. Toots qu’il allait donner un peu de mouvement à la chose. Aussitôt il se mit à danser non-seulement comme s’il ne s’agissait que de danser, mais il excita en dessous le musicien à jouer des airs ébouriffants. Puis il devint tout à fait galant auprès des dames, et, en dansant avec miss Blimber, il lui dit tout bas, oui vraiment, il lui dit tout bas ! mais non pas si bas que Paul ne pût les entendre, ces deux vers remarquables :

Mon cœur, fût-il le plus faux de la terre,
Ne le serait jamais pour vous !

Et ces deux vers, Paul l’entendit les répéter à quatre demoi-