Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/244

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Et le capitaine lui tendit la main d’un air de bonne foi et de franchise qui en disait bien long : puis il répéta encore, tant il était fier de l’exactitude et de l’à-propos de sa citation : « Quand vous l’aurez trouvé, prenez-en note. »

« Capitaine Cuttle, dit Walter en serrant à grand’peine dans ses deux mains la main immense que lui avait tendue le capitaine, après mon oncle Sol, vous êtes bien la personne au monde que j’aime le plus ; il n’y a personne au monde en qui j’aie autant de confiance. Quant à partir, capitaine Cuttle, cela m’est bien égal ; qu’est-ce que cela peut me faire ? Si j’avais été libre de chercher moi-même fortune, si j’avais été libre de partir comme simple matelot, ou d’aller m’aventurer au bout du monde, je serais parti sans regret ! Je serais parti volontiers, il y a longtemps, au risque de ce qui pouvait en arriver. Mais c’était contraire aux désirs de mon oncle, et aux plans qu’il avait formés pour moi, et je n’en parlai plus. Mais ce qui me fâche, capitaine Cuttle, c’est que nous nous sommes quelque peu trompés, et que, si je songe à ma situation dans la maison Dombey, je ne vois pas que je sois beaucoup plus avancé que le premier jour où j’y suis entré ; j’ai peut-être même un peu reculé, car on avait l’air assez bien disposé pour moi dans le principe, ce qui n’existe plus maintenant, j’en suis sûr.

Reviens donc, Whittington, murmura le désolé capitaine, après avoir regardé Walter quelques moments.

— Oui, oui, répliqua Walter en riant, je reviendrai bien des fois, j’en ai peur, capitaine Cuttle, avant que le vent fasse aussi venir de mon côté une chance heureuse, comme la sienne. Non pas que je me plaigne, ajouta-t-il de cet air vif, animé et plein d’énergie qui lui était naturel. Je n’ai pas à me plaindre. Je suis pourvu. J’ai de quoi vivre. Si je quitte mon oncle, je vous le laisse, capitaine Cuttle, et je ne puis le laisser en de meilleures mains. Si je vous ai dit tout cela, ce n’est pas que je désespère, non, non ; mais c’est pour vous convaincre que je n’ai pas le choix dans la maison Dombey. Il faut que j’aille où l’on m’envoie, il faut que j’accepte ce que l’on me donne. Pour mon oncle, du reste, il n’est pas mauvais qu’on m’éloigne. M. Dombey peut lui être très-utile, comme il le lui a déjà prouvé, vous vous rappelez dans quelles circonstances, capitaine Cuttle, et je suis bien persuadé qu’il ne lui sera pas moins utile quand je ne serai plus là pour réveiller chaque jour son mécontentement. Ainsi, hourra ! pour les Indes, ca-