Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/283

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besoin quelquefois de se soulager ainsi, ou bien le pauvre cœur blessé qu’elle contient ferait comme l’oiseau atteint à l’aile, qui voltige un moment et va tomber dans la poussière.

« Eh bien, mon enfant ! dit Mme Chick après un moment de silence, je ne voudrais pas bien certainement vous dire rien de désagréable, et vous en êtes bien persuadée, n’est-ce pas ? Vous resterez ici et vous en ferez ce qu’il vous plaira. Personne ne veut vous contrarier, Florence, personne n’y songe, assurément. »

Florence secoua la tête tristement pour dire qu’elle en était bien convaincue.

« Je n’eus pas plutôt commencé à engager votre pauvre papa à chercher de la distraction et du courage dans un changement momentané, dit Mme Chick, qu’il me dit de lui-même avoir formé déjà le projet d’aller passer quelque temps à la campagne. Et vraiment, j’espère qu’il partira bientôt : il ne partira jamais trop tôt. Mais je crois qu’il a quelques dispositions à prendre pour mettre en ordre ses affaires, ses papiers et le reste, par suite du malheur qui nous a éprouvés si cruellement. Je ne sais ce qu’est devenu mon mouchoir ; Lucrèce, prêtez-moi le vôtre, ma chère… ce qui pourra bien l’occuper un soir ou deux dans sa chambre. S’il y a jamais eu au monde un Dombey, petite, c’est bien votre papa, dit Mme Chick en essuyant ses yeux bien soigneusement avec les deux coins du mouchoir de miss Tox.

« Il fera un effort, allez ! n’ayez pas peur.

— Est-ce qu’il n’y a rien, ma tante, dit Florence en tremblant, que je puisse faire aussi pour…

— Oh ! Dieu ! ma chère enfant, s’écria vivement Mme Chick, de quoi me parlez-vous ? Si votre papa m’a dit à moi, et ce sont ses propres paroles : « Louisa, je n’ai besoin de rien, j’aime mieux qu’on me laisse seul, » que pensez-vous qu’il vous dirait à vous ? Il ne faut même pas paraître devant lui, petite. N’y songez pas.

— Ma tante, dit Florence, je vais monter dans ma chambre pour me coucher. »

Mme Chick approuva cette résolution, et la congédia en l’embrassant. Mais miss Tox, sous le faux prétexte d’aller à la recherche du mouchoir oublié, accompagna Florence à l’étage supérieur. Elle essaya, dans l’espace de quelques minutes, de la consoler, en dépit des airs maussades de Suzanne Nipper. Car miss Nipper, dans son zèle ardent, se faisait de miss Tox