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IX

CONSULTATION DE MISTER ET DE MISSIS BOFFIN


S’étant rendu chez lui directement, l’excellent homme arriva au Bower sans plus d’obstacle. Il y trouva missis Boffin en costume de promenade (velours noir et panache blanc, comme un cheval de corbillard) et lui rendit compte de ce qu’il avait fait depuis le déjeuner.

« Ceci, ma vieille, poursuivit-il, nous ramène à la question que nous avons posée ce matin et qui n’a pas été résolue, à savoir s’il y a encore quelque chose à faire pour te mettre à la mode ?

— Eh bien, Noddy, je vas t’expliquer, répondit missis Boffin en repassant sa robe avec la paume de sa main, et d’un air de vive satisfaction, je veux voir la société.

— La fashionable ! s’écria le mari.

— Oui, retourna missis Boffin avec le rire joyeux d’un enfant ; oui, mon cher. Il ne faut pas me garder à la maison comme une figure de cire.

— Ma vieille, répliqua le mari, on paye pour entrer aux figures de cire, tandis que les voisins (et pourtant au même prix ce ne serait pas cher) peuvent venir te voir quand ils veulent, et sans qu’il leur en coûte.

— Ce n’est pas là ce qu’il me faut, répondit la joyeuse femme ; c’était bon autrefois. Lorsqu’on travaillait comme eux, les voisins pouvaient convenir ; à présent que nous avons quitté l’ouvrage, nous n’allons plus ensemble.

— Est-ce que tu songerais à le reprendre ? insinua mister Boffin.

— Pas du tout ; à quoi penses-tu ? Mais nous voilà très-riches ; il faut agir en conséquence, et mettre sa vie en rapport avec sa fortune. »

Boffin, qui avait le plus profond respect pour la haute sagesse de sa femme, répondit que c’était son opinion ; il fit cependant cette réponse d’un air méditatif.

« Nous n’avons encore rien fait de ce qu’il faut, reprit missis Boffin ; et c’est pour cela que le bien ne s’est pas produit.

— C’est vrai, dit le bonhomme qui toujours pensif, alla s’as-