Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/34

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mais jamais sa famille ne l’entendit murmurer. Une fois seulement il peignit à M. Dickens le chagrin qu’il éprouvait à rentrer chez des étrangers, après le labeur de chaque jour, d’une façon si touchante, que le pauvre homme comprit soudain ce qu’il n’avait point paru soupçonner jusque-là, combien l’enfant avait été à plaindre. Il lui proposa d’habiter une mansarde dans une dépendance de la prison. La mansarde ne renfermait qu’un grabat et donnait sur un chantier de bois de charpente ; mais, pour Charles, ce gîte qui le faisait rentrer dans le cercle de la famille était le paradis. Dès lors il déjeuna chez ses parents, c’est-à-dire dans la maréchaussée ; le petit revenu qui restait à son père suffisait pour les dépenses de table, et, à la liberté près, on vivait mieux en prison que dans le logis misérable dont il avait fallu vendre les meubles.

Cependant, Charles souffrait toujours, par intervalles, de ses attaques ; une fois il en fut pris à la fabrique. Le malheureux endurait un véritable martyre et se tordait sur le lit de paille qu’on lui avait improvisé par terre. Bob Fagin le combla de soins, remplissant d’eau chaude des bouteilles pour les lui appliquer sur le côté, s’opposant à ce qu’il rentrât seul après l’accès, et le reconduisant de force. Cela mit le pauvre Charles dans un cruel embarras ; il était trop fier pour avouer qu’il habitait une prison.