Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/118

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élever, par suite de la faillite d’une compagnie ou d’une association dont cette personne a pu faire partie. Il se peut que cette question ait été soulevée au ministère des Circonlocutions, dans le cours officiel des affaires ; il se peut que le ministère ait rédigé ou confirmé une note conseillant de poursuivre ladite personne.

— Alors je dois supposer que les faits se sont ainsi passés ?

— Le ministère des Circonlocutions, répondit M. Mollusque, n’est responsable des suppositions de qui que ce soit.

— Oserai-je vous demander où je puis obtenir des renseignements officiels sur l’état réel de la question ?

— Il est loisible, répliqua M. Mollusque, à tout membre du… public… (il ne prononçait qu’avec répugnance le nom de cette obscure corporation, qu’il regardait comme son ennemie personnelle) d’adresser une requête au ministre des Circonlocutions. On peut se faire indiquer quelles sont les formalités indispensables à suivre, en s’adressant au bureau spécial de ce ministère.

— Quel est ce bureau ?

— Monsieur, répliqua M. Mollusque, tirant un cordon de sonnette, on vous l’indiquera au ministère, auquel je dois vous renvoyer, si vous désirez obtenir une réponse formelle à cette question.

— Pardonnez-moi si j’ajoute…

— Le ministère est ouvert au… public (M. Mollusque a toujours du mal à prononcer ce mot impertinent), pourvu que le… public observe les formes officielles ; si le… public n’observe pas ces formes, c’est le public qui a tort. »

M. Mollusque fit un salut profond, salut d’homme du monde offensé, de bureaucrate offensé, et d’habitant du quartier fashionable non moins offensé, ces trois personnes ne formant qu’un seul et même individu. M. Clennam lui rendit son salut et fut reconduit jusqu’à la porte de Mews-Street par le valet de pied aux joues flasques.

Dans cette extrémité Arthur Clennam résolut, afin de s’exercer à la persévérance, de retourner au ministère des Circonlocutions, et d’essayer quelle satisfaction il pourrait tirer d’une seconde visite. Il s’y présenta donc de nouveau et envoya une seconde carte à Mollusque jeune, par un garçon de bureau, qui trouva très mauvais que le solliciteur se fût permis de revenir, d’autant plus qu’il était en train de manger des pommes de terre au jus derrière un paravent, auprès de la cheminée de l’antichambre.

Il obtint une nouvelle audience de Mollusque fils, et trouva le jeune gentleman occupé cette fois à se roussir les genoux et à bâiller, en invoquant quatre heures, qui s’obstinaient à ne pas sonner.

« Dites donc ! voyez-vous ! vous vous accrochez à nous d’une satanée façon, » remarqua Mollusque jeune, regardant par-dessus son épaule.

« Je veux savoir…

— Dites donc ! ma parole d’honneur, il ne faut pas venir comme