Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/140

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cette paillette d’or que la poésie, faisait briller au milieu du sable grossier de leur existence.

Daniel Doyce, M. Meagles et Clennam descendirent les marches et pénétrèrent dans la cour, qu’ils traversèrent entre deux rangées de portes ouvertes, toutes abondamment pourvues d’enfants chétifs berçant des enfants plus lourds qu’eux ; ils arrivèrent à l’autre extrémité, où se trouvait la porte de sortie. Arthur Clennam s’arrêta alors pour regarder autour de lui, en quête du domicile de Plornish, maçon, dont Daniel Doyce, selon la coutume des habitants de Londres, n’avait jamais vu ni entendu le nom, quoiqu’il demeurât à sa porte.

Cependant ce nom sautait aux yeux, ainsi que l’avait affirmé la petite Dorrit ; on le lisait dans un coin de la cour, au-dessus d’une entrée couverte d’éclaboussures de chaux, où Plornish gardait son échelle et quelques tonneaux. La dernière maison du Cœur-Saignant, celle que la jeune fille avait indiquée comme étant la demeure de Plornish, était une grande maison louée en détail à divers locataires ; mais l’ingénieux Plornish annonçait qu’il habitait le rez-de-chaussée, par le moyen d’une main peinte au-dessous de son nom, et dont l’index (que l’artiste avait orné d’une bague de prix et d’un ongle admirablement dessiné et taillé à la dernière mode) dirigeait les visiteurs vers cet appartement.

Arthur Clennam, après avoir pris rendez-vous avec M. Meagles, souhaita le bonjour à ses compagnons, se dirigea seul vers l’entrée en question et frappa à la porte du rez-de-chaussée. Au bout de quelques minutes, la porte fut ouverte par une femme qui tenait un enfant dans ses bras et qui se servait de sa main libre pour rajuster à la hâte le haut de sa robe. Cette dame était Mme Plornish, et ce geste maternel était le geste auquel Mme Plornish se livrait presque tout le temps qu’elle restait éveillée.

« M. Plornish y est-il ?

— Ma foi, monsieur, répondit Mme Plornish, dame très polie, pour ne pas vous tromper, il est allé chercher de l’ouvrage. »

Pour ne pas vous tromper était la phrase favorite de Mme Plornish. Sous aucun prétexte elle n’aurait trompé qui que ce fût, mais elle n’en avait pas moins la manie d’intercaler dans sa conversation cette clause restrictive.

« Pensez-vous qu’il rentre bientôt ? je pourrais l’attendre.

— Voilà une demi-heure qu’il devrait être revenu, dit Mme Plornish. Entrez, monsieur. »

Arthur entra dans une salle un peu sombre et qui manquait d’air, bien qu’elle fût assez élevée, et s’assit sur la chaise que Mme Plornish lui offrit.

« Pour ne pas vous tromper, monsieur je suis sensible à votre politesse, remarqua Mme Plornish ; c’est très obligeant de votre part. »

Arthur, ne comprenant pas ce que Mme Plornish voulait dire, exprima sa surprise par un regard qui provoqua l’explication suivante ;

« Quand on vient chez de pauvres gens, on ne se donne pas