Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/244

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appartient à l’histoire que l’on me prie de raconter, et non parce que je suppose qu’il ait pu exercer d’autre influence sur l’esprit de votre sœur que cette pression prudente et légitime que nous devons tous subir, vu l’état artificiel de notre système social. Finalement, après quelques paroles irritées et énergiques de la part de votre sœur, nous sommes convenus qu’il n’y avait rien à craindre, et votre sœur a eu l’obligeance de me permettre de la recommander à ma modiste pour offrir quelques légers témoignages de ma considération… »

La petite Dorrit parut très peinée et tourna vers Fanny un visage troublé.

Les deux sœurs se levèrent en même temps, et toutes trois se tinrent debout près de la cage du perroquet, qui déchiquetait pendant ce temps-là un morceau de biscuit qu’il tenait dans la patte et le recrachait à mesure en ayant l’air de se moquer d’elles, et en exécutant une danse pompeuse avec son corps sans remuer les pattes, jusqu’à ce qu’il finît même par se mettre tout à coup la tête et les jambes en l’air et à se traîner tout autour de sa cage dorée, au moyen de son bec impitoyable et de sa langue noire.

« Et aussi, poursuivit Mme Merdle, de me promettre le plaisir d’un dernier entretien avant de nous quitter les meilleurs amis du monde. À cette occasion, ajouta Mme Merdle se levant et mettant quelque chose dans la main de Fanny, Mlle Dorrit me permettra de lui dire adieu et de lui souhaiter beaucoup de bonheur, quoique je ne sois pas d’humeur très expansive.

« Adieu, mademoiselle Dorrit, vous emportez mes meilleurs souhaits, dit Mme Merdle. Si l’âge d’or ou quelque chose d’approchant pouvait renaître, je serais ravie, pour ma part, de cultiver la connaissance d’une foule de personnes charmantes et pétries de talent ; malheureusement c’est un plaisir dont je suis forcée de me priver pour le moment. Une société qui aurait des usages plus primitifs ferait mes délices. Je me rappelle que, quand je récitais encore des leçons, on me faisait apprendre un poème commençant par :

Voyez le pauvre Indien dont l’esprit…

« Il y avait une épithète à cet esprit, mais je ne sais plus le reste. S’il était seulement permis à quelques milliers de gens du monde de redevenir des Indiens, je m’inscrirais de suite en tête de la liste ; mais comme par malheur nous autres gens du monde, nous ne pouvons redevenir des Indiens… bonjour ! »

Les deux sœurs redescendirent l’escalier précédées par une tête poudrée et suivies par deux autres têtes également poudrées : Fanny, fière et dédaigneuse, la petite Dorrit humiliée ; et elles se trouvèrent de nouveau sur le pavé plus crotté que poudré de Harley-Street, Cavendish-Square.

« Eh bien ? demanda Fanny, lorsqu’elles eurent fait quelques pas en silence. N’as-tu rien à me dire, Amy ?