Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/254

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Son bon ami s’était-il jamais intéressé aux opérations de notre comité des dignitaires réunis pour l’augmentation des salaires cléricaux ?… Avait-il jamais songé que répandre un peu d’or dans cette direction, ce serait réaliser une belle inspiration ?

M. Merdle fit une réponse assez semblable à la première, et la fleur de l’Épiscopat expliqua pourquoi il faisait cette question.

La Société comptait sur des hommes comme M. Merdle pour ces choses-là. Son bon ami voudrait bien remarquer que ce n’était pas un simple particulier qui comptait sur lui, mais la Société. De même ce n’était pas notre comité qui demandait des dignitaires réunis, mais bien la Société qui se mourait d’envie d’en avoir. Son bon ami pouvait être convaincu que lui, l’évêque, appréciait au dernier point les services que son bon ami s’efforçait, en toutes circonstances, de rendre à la Société ; et il croyait lui-même ne consulter que les intérêts de la Société, et n’exprimer que les sentiments de cette même Société, lorsqu’il souhaitait à M. Merdle un accroissement de prospérité, un accroissement de richesses et un accroissement général de tout ce qu’il pouvait désirer.

La fleur de l’Épiscopat se transporta à son tour au salon, et les autres notabilités imitèrent peu à peu son exemple jusqu’à ce qu’il ne resta plus dans la salle à manger du rez-de-chaussée d’autre convive que M. Merdle. Ce gentleman, après avoir contemplé la nappe assez longtemps pour faire gonfler d’une noble indignation l’âme de son maître d’hôtel, monta lentement après les autres, et perdit toute importance en se mêlant au flot qui gravissait le grand escalier. Mme Merdle était chez elle ; les plus beaux bijoux étaient accrochés d’une façon très visible sur la poitrine ; la Société avait ce qu’elle était venue chercher. M. Merdle but dans un coin pour quatre sous de thé et en eut plus qu’il ne lui en fallait.

Parmi les notabilités de la soirée, se trouvait un célèbre médecin qui connaissait tout le monde et que tout le monde connaissait. En entrant, dans un salon il aperçut M. Merdle qui prenait son thé dans un coin, et lui toucha le bras.

M. Merdle tressaillit.

« Oh ! c’est vous, docteur !

— Cela va-t-il mieux aujourd’hui ?

— Non, répliqua M. Merdle, je ne vais pas mieux.

— C’est dommage que je ne vous aie pas trouvé ce matin. Venez donc me voir demain, ou laissez-moi passer chez vous.

— Eh bien ! je me ferai descendre à votre porte demain en allant à mes bureaux. »

L’honneur du Barreau et la fleur de l’Épiscopat avaient été témoins de ce court dialogue, et tandis que M. Merdle était entraîné par la foule, ils adressèrent leurs remarques au médecin. L’honneur du Barreau dit qu’il y avait une certaine limite aux efforts de l’intelligence que l’homme ne pouvait dépasser impunément, que cette limite variait selon le tissu du cerveau et le tempérament de chaque individu, ainsi qu’il avait eu occasion de le remarquer chez plusieurs