Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

soins soutenus on avait réussi à lui donner dans ce qu’elle était un air très propre, et même à peu près confortable.

Cependant la cloche continuait à sonner, et l’oncle était pressé de partir.

« Allons, Fanny, allons ! dit-il, remettant sous son bras l’étui fort déformé et tout usé qui renfermait son cornet à piston ; on ferme, mon enfant, on ferme ! »

Fanny dit bonsoir à son père et s’esquiva d’un pas léger. Tip était déjà descendu en faisant beaucoup de tapage dans l’escalier.

« Venez, monsieur Clennam, dit en se retournant l’oncle qui s’éloignait aussi de son pas traînard ; on ferme, monsieur, on ferme. »

M. Clennam avait deux choses à faire avant de le suivre : il s’agissait, d’abord, d’offrir son souvenir au Père de la Maréchaussée sans blesser la jeune fille, puis de dire quelque chose à la jeune fille elle-même, ne fût-ce qu’un seul mot pour lui expliquer le motif de sa visite.

« Permettez-moi, dit le père, de vous reconduire. »

La petite Dorrit s’était glissée hors de la chambre pour aller rejoindre les autres, et ils se trouvaient seuls.

« Non, non, pour rien au monde, je ne le souffrirai pas, s’empressa de répondre le visiteur. Veuillez me permettre de… »

On entendit un tintement métallique.

« Monsieur Clennam, dit le Père, je suis profondément, bien profondément… »

Mais son interlocuteur lui avait fermé la main pour empêcher le tintement, et descendait l’escalier à la hâte.

Il n’aperçut pas la petite Dorrit en descendant ; il ne la rencontra pas non plus dans la cour. Deux ou trois retardataires se dirigeaient rapidement vers la loge et il les suivait, lorsqu’il aperçut la jeune couturière dans l’allée de la maison la plus rapprochée du guichet. Il se retourna vivement.

« Pardonnez-moi de vous adresser la parole ici ; je vous en prie, dit-il, pardonnez-moi d’être venu ! Je vous ai suivie ce soir. Je l’ai fait dans l’intention de me rendre utile à vous et à votre famille. Vous savez dans quels termes je vis avec ma mère, et vous ne vous serez sans doute pas étonnée que je n’aie jamais cherché à me rapprocher de vous sous son toit ; j’aurais craint, malgré mes bonnes intentions, de la rendre jalouse, de l’irriter peut-être, ou de vous faire quelque tort dans son estime. Ce que j’ai vu ici, dans un si court espace de temps, a beaucoup augmenté mon désir empressé de vous rendre service. Ce serait me faire oublier bien des mécomptes que de me laisser espérer que je puis gagner votre confiance. »

Elle avait été tout effrayée d’abord ; mais, à mesure qu’il parlait, elle avait paru se rassurer.

« Vous êtes bien bon, monsieur. Vous avez l’air de me parler avec tant de sincérité. Mais… je regrette que vous m’ayez suivie. »