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GRILLON DU FOYER.

Le solo de la Bouilloire était fini ; le Grillon avait pris la partie de premier violon, et il ne la quittait pas. Bon Dieu ! comme il criait ! Sa voix aiguë et perçante résonnait dans toute la maison ; il semblait qu’elle allait percer les ténèbres… comme une étoile perce les nuages. Il y avait de petites trilles et un trémolo indescriptible dans le cri le plus aigu du Grillon, lorsque, dans l’excès de son enthousiasme il faisait des sauts et des bonds. Cependant ils s’accordaient fort bien, le Grillon et la Bouilloire. Le refrain était toujours le même, mais, dans leur émulation, ils le chantaient de plus en plus crescendo.

La jolie petite femme qui les écoutait, ― car elle était jolie et jeune quoique un peu forte, ― alluma une chandelle, se tourna vers le faucheur de la pendule, qui avait fait une bonne provision de minutes, puis elle alla regarder à la fenêtre, par laquelle elle ne vit rien à cause de l’obscurité, mais elle vit son charmant visage se réfléchir dans les vitres, et mon opinion ― qui serait aussi la vôtre ― est qu’elle aurait pu regarder longtemps sans voir rien de moitié aussi agréable. Lorsqu’elle revint s’asseoir sur son siège, le Grillon et la Bouilloire continuaient leur duo avec le même entrain.

C’était entr’eux comme une course au clocher. Cri ! cri ! cri ! Le Grillon l’emporte  ! Hum ! hum ! hum ! La Bouilloire prend de l’avance. Cri ! cri ! cri ! Le Grillon gagne du terrain au retour. Mais la Bouilloire reprend encore : Hum ! hum ! Hum ! Enfin ils s’essoufflaient, ils s’épanouissaient tant l’un et l’autre, le Cri ! cri !