Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/210

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de loi à Londres, où mon nom est assez connu. J’ai une affaire singulière à traiter avec vous, et je commence par vous dire que ce n’est pas moi personnellement qui l’ai conçue ; si l’on m’avait demandé mon avis, je ne serais pas ici… On ne me l’a pas demandé, c’est pourquoi vous me voyez. Je fais ce que j’ai à faire comme agent confidentiel d’un autre, rien de plus, rien de moins. »

Trouvant sans doute qu’il ne nous distinguait pas assez bien de sa place, il se leva, jeta une de ses jambes sur le dos d’une chaise, et resta ainsi, un pied sur la chaise et l’autre à terre.

« Maintenant, Joseph Gargery, je suis porteur d’une offre pour vous débarrasser de ce jeune homme, votre apprenti. Refuseriez-vous d’annuler son contrat, s’il vous le demandait dans son intérêt et ne demanderiez-vous pas de dédommagement ?

— Que Dieu me garde de demander quoi que ce soit, pour aider mon petit Pip à parvenir ! dit Joe tout étonné, en ouvrant de grands yeux.

— Que Dieu me garde est très-pieux, mais n’a absolument rien à faire ici, répondit Jaggers. La question est : Voulez-vous quelque chose pour cela ? Demandez-vous quelque chose ?

— La réponse, riposta sévèrement Joe est : Non ! »

Il me semble qu’à ce moment M. Jaggers regarda Joe comme s’il découvrait un fameux niais, à cause de son désintéressement ; mais j’étais trop surpris et ma curiosité trop éveillée pour en être bien certain.

« Très-bien, dit M. Jaggers ; rappelez-vous ce que vous venez d’admettre, et n’essayez pas de revenir là-dessus tout à l’heure.

— Qui est-ce qui essaye de revenir sur quoi que ce soit ? repartit Joe.