Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/221

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et je les considérais comme de très-pauvres, très-malheureuses et très-humbles étoiles d’être réduites à briller sur les objets rustiques, au milieu desquels j’avais vécu.

« Samedi soir, dis-je, lorsque nous nous assîmes pour souper, de pain, de fromage et de bière, dans cinq jours nous serons à la veille de mon départ : ce sera bientôt venu.

— Oui, mon petit Pip, observa Joe dont la voix résonna creux dans son gobelet de bière, ce sera bientôt venu !

— Oh ! oui, bientôt, bientôt venu ! fit Biddy.

— J’ai pensé, Joe, qu’en allant à la ville lundi pour commander mes nouveaux habits, je ferais bien de dire au tailleur que j’irais les essayer chez lui, ou plutôt qu’il doit les porter chez M. Pumblechook ; il me serait on ne peut plus désagréable d’être toisé par tous les habitants du village.

— M. et Mrs Hubble seraient sans doute bien aise de te voir dans ton nouveau joli costume, mon petit Pip, dit Joe, en coupant ingénieusement son pain et son fromage sur la paume de sa main gauche et en lorgnant mon souper intact, comme s’il se fût souvenu du temps où nous avions coutume de comparer nos tartines. Et Wopsle aussi, et je ne doute pas que les Trois jolis Bateliers ne regardassent ta visite comme un grand honneur que tu leur ferais.

— C’est justement ce que je ne veux pas, Joe. Ils en feraient une affaire d’État, et ça ne m’irait guère.

— Ah ! alors, mon petit Pip, si ça ne te va pas… »

Alors Biddy me dit tout bas, en tenant l’assiette de ma sœur :

« As-tu pensé à te montrer à M. Gargery, à ta sœur et à moi ? Tu nous laisseras te voir, n’est-ce pas ?