Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/343

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CHAPITRE XXVIII.


Il était clair que je devais me rendre à notre ville dès le lendemain, et dans les premières effusions de mon repentir, il me semblait également clair que je devais descendre chez Joe. Mais quand j’eus retenu ma place à la voiture pour le lendemain, quand je fus allé chez M. Pocket, et quand je fus revenu, je n’étais en aucune façon convaincu de la nécessité de ce dernier point, et je commençai à chercher quelque prétexte et à trouver de bonnes raisons pour descendre au Cochon bleu :

« Je serais un embarras chez Joe, pensai-je ; je ne suis pas attendu, et mon lit ne sera pas prêt. Je serai trop loin de miss Havisham. Elle est exigeante et pourrait ne pas le trouver bon. »

On n’est jamais mieux trompé sur terre que par soi-même, et c’est avec de tels prétextes que je me donnai le change. Que je reçoive innocemment et sans m’en douter une mauvaise demi-couronne fabriquée par un autre, c’est assez déraisonnable, mais qu’en connaissance de cause je compte pour bon argent des pièces fausses de ma façon, c’est assurément chose curieuse ! Un étranger complaisant, sous prétexte de mettre en sûreté et de serrer avec soin mes banknotes pour moi