Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

passions et que je les comparai à Collins et à Wopsle, ce fut au grand désavantage de ces deux gentlemen.

La grand’tante de M. Wopsle, indépendamment de cette maison d’éducation, tenait dans la même chambre une petite boutique de toutes sortes de petites choses. Elle n’avait elle-même aucune idée de ce qu’elle avait en magasin, ni de la valeur de ces objets ; mais il y avait dans un tiroir un mémorandum graisseux, qui servait de catalogue et indiquait les prix. À l’aide de cet oracle infaillible, Biddy présidait à toutes les transactions commerciales. Biddy était la petite-fille de la grand’tante de M. Wopsle. J’avoue que je n’ai jamais pu trouver à quel degré elle était parente de ce dernier. Biddy était orpheline comme moi ; comme moi aussi elle avait été élevée à la main. Elle se faisait surtout remarquer par ses extrémités, car ses cheveux n’étaient jamais peignés, ses mains toujours sales, et ses souliers n’étant jamais entrés qu’à moitié, laissaient sortir ses talons. Je ferai remarquer que cette description ne doit s’appliquer qu’aux jours de la semaine ; les Dimanches elle se nettoyait à fond pour se rendre à l’église.

Grâce à mon application, et bien plus avec l’aide de Biddy qu’avec celle de la grand’tante de M. Wopsle, je m’escrimais avec l’alphabet comme avec un buisson de ronces, et j’étais très-fatigué et très-égratigné par chaque lettre. Ensuite, je tombai parmi ces neuf gredins de chiffres, qui semblaient chaque soir prendre un nouveau déguisement pour éviter d’être reconnus. Mais à la fin, je commençai à lire, écrire et calculer, le tout à l’aveuglette et en tâtonnant, et sur une très-petite échelle.

Un soir, j’étais assis dans le coin de la cheminée, mon ardoise sur les genoux, m’évertuant à écrire une