Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/131

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taient immobiles à l’ombre d’un énorme hangar suspendu sur un des côtés de la cour, tandis qu’un autre camion, qui probablement devait commencer son voyage dans la matinée, était tiré dans la partie découverte. Les bâtiments qui bordaient deux côtés du parallélogramme étaient garnis d’une double rangée de galeries, ornées d’énormes garde-fous en bois, et sur lesquelles deux files de chambres à coucher venaient s’ouvrir. Deux lignes de sonnettes, qui leur correspondaient, se dandinaient au-dessus de la porte d’entrée, recouverte par un petit toit en ardoise. Enfin, de temps en temps, le piétinement pesant d’un cheval de charge, ou le cliquetis d’une chaîne, annonçait, à ceux qui s’en inquiétaient, que les écuries étaient au bout de la cour. Si nous ajoutons à ce tableau quelques hommes en blouse, dormant sur des ballots ; quelques sacs de laine et autres articles de ce genre, répandus sur des monceaux de foin, nous aurons décrit, autant qu’il est nécessaire, l’apparence que présentait, dans la matinée dont il s’agit, la cour du Blanc-Cerf, grande rue du Borough.

Le carillon d’une des sonnettes fut suivi de l’apparition d’une servante coquette, dans l’une des galeries du second étage. Elle frappa à l’une des portes, et, ayant reçu une requête de l’intérieur, elle cria par-dessus la balustrade : Sam ! »

« Voilà ! répliqua l’homme au chapeau blanc.

— Le no 22 demande ses bottes sur-le-champ.

— Eh bien ! demandes-y s’il veut les avoir de suite, ou bien attendre qu’on les lui porte cirées.

— Allons, Sam ! pas de bêtises ! reprit la jeune fille d’un air engageant ; le gentleman a besoin de ses bottes sur-le-champ.

— Parole d’honneur ! vous êtes bonne là ! repartit le décrotteur. Regardez-moi un peu ces bottes. Onze paires de bottes, et un soulier qui appartient au no 6, avec une jambe de bois. Les bottes doivent être livrées à huit heures et demie, et le soulier à neuf. Qu’est-ce que c’est que le no 22, pour monter sur le dos à tous les autres ? Non ! non ! chacun son tour ! comme disait Jack Ketch à des particuliers qu’il avait à pendre. Fâché de vous faire attendre, monsieur ; mais je ferai vot’ affaire tout à l’heure. »

Parlant ainsi, l’homme au chapeau blanc se remit à travailler sur une botte à revers, avec une vitesse accélérée.

On entendit un autre carillon, et la vieille aubergiste du Blanc-Cerf parut d’un air affairé dans la galerie opposée.

« Sam ! cria l’hôtesse. Où est-il, ce paresseux, ce fainéant,