Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/133

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Paul’s church-yards, monsieur. Une arcade basse ; un libraire d’un côté, un hôtel de l’autre, et deux commissionnaires qui se chargent d’obtenir des permis de mariage pour ceux qui en ont besoin.

— Des permis de mariage ? répéta le gentleman.

— Oui, des permis de mariage ! répéta Sam. Deux individus en tablier blanc touchent leurs chapeaux quand vous entrez : « Un permis, monsieur, un permis ? » Drôles de gens, et leurs maîtres aussi ! Ils ne valent pas mieux que les procureurs que consultent les plaideurs de la Cour d’assises.

— Et que font-ils ? demanda le gentleman.

— Ce qu’ils font ? Ils vous mettent dedans, monsieur ! Et ce n’est pas tout : ils fourrent dans la tête des vieilles gens des choses comme ils n’en auraient jamais rêvé. Mon père, monsieur, était un cocher, un cocher veuf, monsieur, et assez gros pour être capable de tout ; étonnamment gros, mon père. Sa chère épouse décède, et lui laisse quatre cents guinées. Bien ! Il s’en va aux Commons pour voir l’homme de loi, et toucher le quibus. Fameuse tournure, mon père ! Bottes à revers, bouquet à la boutonnière, chapeau à grands bords, châle vert, gentleman fini ! Il passe sous l’arcade, pensant où il placerait son argent. Bon ! arrive le commissionnaire. Il touche son chapeau : « Un permis, monsieur ? — Quoi qu’ c’est ? dit mon père. — Permis de mariage, dit-il. — Dieu me damne ! dit mon père, je n’y avais jamais pensé. — J’imagine qu’il vous en faut un, monsieur, » dit le commissionnaire. Mon père s’arrête et réfléchit un brin. « Non ! dit-il, diable m’emporte ! Je suis trop vieux. D’ailleurs, je suis beaucoup trop gros, dit-il. — Allons donc, monsieur ! dit l’autre. — Vous croyez ? dit mon père. — J’en suis sûr, qu’il dit. Nous avons marié un gentleman deux fois vot’ corporence lundi passé. — Vrai ? dit mon père. — Bien vrai ! dit l’autre ; vous n’êtes qu’un gringalet auprès. Par ici, monsieur, par ici. » Et ne voilà-t-il pas mon père qui marche après lui, comme un singe apprivoisé derrière un orgue, dans un petit bureau noir, oùs qu’il y avait un gaillard avec des papiers crasseux et des boîtes d’étain, qui travaillait à faire croire qu’il était bien occupé. « Asseyez-vous, monsieur, pendant que je vas faire le certificat, dit l’homme de loi. — Merci, monsieur ! » dit mon père ; et il s’assoit et il examine de tous ses yeux, et avec sa bouche ouverte les noms qu’il y avait sur les boîtes. « Comment vous appelez-vous, monsieur ? dit l’homme de loi. — Tony Weller, dit mon père.