Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/142

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mon cher monsieur, vous êtes un joli garçon, un homme du monde, capable de pousser votre fortune, si vous aviez un capital, hein ?

— Eh bien ! répéta M. Jingle.

— Vous ne me comprenez pas ?

— Pas tout à fait.

— Ne pensez-vous pas… Je viens au fait, mon cher monsieur. Ne pensez-vous pas que cinquante guinées et la liberté seraient plus agréables que miss Wardle et des espérances ?

— Impossible ! dit M. Jingle en se levant. Pas assez, de moitié !

— Non ! non ! mon cher monsieur, reprit le petit avoué en l’arrêtant par un bouton. Bonne somme ronde. Un homme comme vous pourrait la tripler en un rien de temps. On peut faire bien des choses avec cinquante guinées, mon cher monsieur.

— Bien plus avec cent cinquante, répliqua Jingle froidement.

— Allons, mon cher monsieur, nous ne perdrons pas notre temps à couper un cheveu en quatre. Disons… disons quatre-vingts…

— Impossible !

— Restez, mon cher monsieur. Dites-moi ce que vous voulez.

— Affaire coûteuse, déboursés, chevaux de poste, neuf guinées ; licence, trois guinées, douze guinées ; compensation, cent guinées, cent douze. Perte d’honneur et perte de la dame…

— Allons ! mon cher monsieur, allons ! interrompit l’homme d’affaires d’un air malin. Ne parlons pas des deux derniers articles. Cela fait cent douze guinées. Mettons cent, allons !

— Cent vingt[1].

— Allons ! allons ! je vais vous écrire un mandat, reprit le petit homme en s’asseyant près d’une table, et commençant à écrire. Je le ferai payable pour après demain et nous pouvons emmener la dame d’ici là ? » ajouta-t-il en interrogeant M. Wardle du regard.

Celui-ci fit un sombre signe d’assentiment.

« Cent, dit le petit homme.

— Et vingt, ajouta Jingle.

— Mon cher monsieur ! reprit l’avoué.

— Donnez-les lui, interrompit M. Wardle. Et qu’il s’en aille au diable avec ! »

  1. 3000 francs.