Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/163

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peu l’habitude de la composition, et se laissant guider par le son des mots plutôt que par les règles sévères de l’orthographe, n’avait mis qu’un l à la fin de son prénom, et avait remplacé par un k les lettres qu et e du nom marque.

Les illustres membres du Pickwick-Club, comme on pouvait l’attendre d’une société aussi savante, reçurent cette histoire avec le mépris qu’elle méritait, chassèrent de leur sein l’ignorant et présomptueux Blotton, et votèrent à M. Pickwick une paire de besicles en or, comme un gage de leur admiration et de leur confiance. Pour reconnaître cette marque d’approbation, M. Pickwick se fit peindre en pied, et fit suspendre son portrait dans la salle de réunion du club, portrait que, par parenthèse, il n’eut aucune envie de voir disparaître lorsqu’il fut moins jeune qu’on ne l’y représentait.

M. Blotton était expulsé, mais il ne se tenait pas pour battu. Il adressa aux dix-sept sociétés savantes un pamphlet dans lequel il répétait l’histoire qu’il avait émise, et laissait apercevoir assez clairement qu’il regardait comme des gobe-mouches les membres des dix-sept sociétés susdites.

À cette proposition malsonnante, les dix-sept sociétés furent remplies d’indignation. Il parut plusieurs pamphlets nouveaux. Les sociétés savantes étrangères correspondirent avec les sociétés savantes nationales ; les sociétés savantes nationales traduisirent en anglais les pamphlets des sociétés savantes étrangères ; les sociétés savantes étrangères traduisirent dans toutes sortes de langages les pamphlets des sociétés savantes nationales, et ainsi, commença cette lutte scientifique, si connue de tout l’univers sous le nom de Controverse pickwickienne.

Cependant les efforts calomnieux destinés à perdre M. Pickwick retombèrent sur la tête de leur méprisable auteur. Les dix-sept sociétés savantes votèrent unanimement que le présomptueux Blotton n’était qu’un tatillon ignorant, et écrivirent contre lui des opuscules sans nombre ; enfin la pierre elle-même subsiste encore aujourd’hui, monument illisible de la grandeur de M. Pickwick et de la petitesse de ses détracteurs.