Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/179

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mourir, de votre politique, de vos querelles avec l’Indépendant, et de toutes ces sottises. Je suis tout à fait étonnée, Pott, que vous donniez ainsi en spectacle vos absurdités.

— Mais, chère amie, murmura le malheureux époux.

— Sottises ! ne me parlez pas. Jouez-vous à l’écarté, monsieur ?

— Je serai enchanté, madame, d’apprendre avec vous, répondit galamment M. Winkle.

— Eh bien ! alors, tirez cette table auprès de la fenêtre, pour que je n’entende plus cette éternelle politique.

— Jane, dit M. Pott à la servante, qui apportait de la lumière, descendez dans le bureau, et montez-moi la collection des gazettes pour l’année 1830. Je vais vous lire, continua-t-il en se tournant vers M. Pickwick, je vais vous lire quelques-uns des articles de fond que j’ai écrits, à cette époque, sur la conspiration des jaunes pour faire nommer un nouveau péager à notre Turnpike. Je me flatte qu’ils vous amuseront.

— Je serai véritablement charmé de vous entendre, » répondit M. Pickwick.

Son vœu fut bientôt exaucé. La servante revint avec une collection de gazettes, et l’éditeur s’étant assis auprès de son hôte, se mit à lire immédiatement.

Nous avons feuilleté le mémorandum de M. Pickwick, dans l’espoir de retrouver au moins un sommaire de ces magnifiques compositions ; mais ce fut vainement. Nous avons cependant des raisons de croire que la vigueur et la fraîcheur du style le ravirent entièrement, car M. Winkle a noté que ses yeux, comme par un excès de plaisir, restèrent fermés pendant toute la durée de la lecture.

L’annonce que le souper était servi mit un terme au jeu d’écarté et à la récapitulation des beautés de la Gazette. M. Winkle avait déjà fait des progrès considérables dans les bonnes grâces de Mme Pott. Elle était d’une humeur charmante, et n’hésita pas à l’informer confidentiellement que M. Pickwick était un vieux bonhomme tout à fait aimable. Il y a dans ces expressions une familiarité que ne se serait permise aucun de ceux qui connaissaient intimement l’esprit colossal de ce philosophe. Cependant nous les avons conservées parce qu’elles prouvent d’une manière touchante et convaincante la facilité avec laquelle il gagnait tous les cœurs, et le cas immense que faisaient de lui toutes les classes de la société.