Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/186

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titude inactive est généralement disposée à être facétieuse, cette innocente action fut suffisante pour faire naître mille plaisanteries.

« Ohé ! là-haut ! vieux renard ! C’est-i’ beau de faire des galanteries aux filles ?

— Oh ! le vénérable pécheur !

— Il met ses besicles pour lorgner les femmes mariées.

— Le scélérat ! Il lui fait les yeux doux, à travers ses carreaux.

— Surveillez votre femme, Pott ! » Et ces lazzis furent suivis de grands éclats de rire.

Comme ces brocards étaient accompagnés d’odieuses comparaisons entre M. Pickwick et un vieux bouc, ainsi que d’autres traits d’esprit du même genre, et comme elles tendaient, en outre, à entacher l’honneur d’une innocente dame, l’indignation de notre héros fut excessive : mais le silence étant proclamé dans cet instant, il se contenta de jeter à la populace un regard de mépris et de pitié, qui la fit rire plus bruyamment que jamais.

« Silence ! beuglèrent les acolytes du maire.

— Whiffin, proclamez le silence ! dit le maire d’un air pompeux, qui convenait à sa position élevée. Le crieur, pour obéir à cet ordre, exécuta un autre concerto sur sa sonnette, après quoi un gentleman de la foule cria, de toutes ses forces, Fifine ! ce qui occasionna d’autres éclats de rire.

— Gentlemen ! dit le maire, en donnant toute l’étendue possible à sa voix. Gentlemen, frères électeurs du bourg d’Eatanswill, nous sommes assemblés aujourd’hui pour élire un représentant à la place de notre dernier… »

Ici, le maire fut interrompu par une voix qui criait dans la foule :

« Bonne chance à M. le maire ! et qu’il reste toujours dans les clous et les casseroles qu’ils y ont fait sa fortune. »

Cette allusion aux entreprises commerciales de l’orateur excita un ouragan de gaieté qui, avec son accompagnement de sonnette, empêcha d’entendre un seul mot de la harangue du maire, à l’exception, cependant, de la dernière phrase, par laquelle il remerciait ses auditeurs de l’attention bienveillante qu’ils lui avaient prêtée. Cette expression de gratitude fut accueillie par une autre explosion de joie, qui dura environ un quart d’heure.

Un grand gentleman efflanqué, dont le cou était comprimé