Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/213

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dant le discours de son jeune ami. Celui-ci parlait encore, et déjà la physionomie du philosophe avait repris son expression habituelle de bénignité.

« J’ai été trop vif, dit M. Pickwick : beaucoup trop vif. Tupman, votre main. »

Un nuage sombre qui couvrait la figure de M. Tupman se dissipa à ces mots, et il pressa chaleureusement la main de son ami en répondant : J’ai été trop vif aussi. »

— Non, non, reprit précipitamment M. Pickwick, c’est moi qui ai tort : vous mettrez la veste de velours vert.

— Pas du tout, pas du tout.

— Pour m’obliger, vous la mettrez…

— Eh ! bien, eh ! bien, je la mettrai donc. »

Il fut en conséquence décidé que M. Tupman, M. Winkle et M. Snodgrass porteraient des costumes de fantaisie, et c’est ainsi que M. Pickwick fut entraîné, par la chaleur de ses sentiments, à approuver une conduite dont son excellent jugement l’eût détourné. On ne pourrait trouver une preuve plus frappante de son aimable caractère, quand même les événements racontés dans ce volume seraient entièrement le produit de l’imagination.

M. Chasselion n’avait pas exagéré les ressources de M. Salomon Lucas. Ses costumes étaient nombreux, innombrables : non pas strictement classiques, peut-être ; pas entièrement neufs, et ne représentant précisément les modes d’aucun âge ni d’aucun pays ; mais ils étaient tous plus ou moins pailletés ; et qu’y a-t-il de plus joli que des paillettes ? On peut objecter qu’elles ne font point d’effet à la clarté du soleil ; mais tout le monde sait qu’elles étincelleraient s’il y avait des bougies ; or, quand on veut donner des bals déguisés pendant le jour, si les costumes ne brillent pas comme ils auraient brillé à la lumière, la faute n’en est nullement aux paillettes, elle est entièrement aux gens qui donnent des bals dans la matinée. Tels furent les raisonnements convaincants de M. Salomon Lucas, et sous leur influence, MM. Tupman, Winkle et Snodgrass s’engagèrent à porter les déguisements que son goût et son expérience lui firent recommander comme admirablement appropriés à l’occasion.

Une calèche fut louée par les pickwickiens, dans leur hôtel : un coupé, tiré du même endroit, devait transporter M. et Mme Pott sur le domaine de Mme Chasselion. Comme un remercîment délicat de l’invitation qu’il avait reçue, M. Pott