Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/233

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tout seul dans le jardin, je pourrais vous introduire dans la maison, à onze heures et demie précises, et qu’alors vous vous trouveriez juste à temps pour m’aider à démonter les projets de ce méchant homme, par qui j’ai eu le malheur d’être séduit. »

Ici. M. Trotter soupira profondément.

« Ne vous tourmentez pas de cela, dit M. Pickwick ; s’il avait un grain de la probité qui vous distingue, malgré votre humble condition, je ne désespérerais pas de lui. »

Job salua très-bas, et, en dépit des précédentes remontrances de Sam, ses yeux se remplirent de larmes.

« Je n’ai jamais vu un pleurard comme ça, dit Sam. Dieu me pardonne, s’il n’a pas un robinet toujours ouvert dans la tête !

— Sam ! dit M. Pickwick avec une grande sévérité, retenez votre langue.

— Oui, monsieur.

— Je n’aime pas ce plan, poursuivit notre philosophe après une profonde méditation. Pourquoi ne pas communiquer avec les amis de la jeune personne ?

— Parce qu’ils habitent à cinquante lieues d’ici, monsieur.

— Il n’y a rien à répondre à ça, remarqua Sam, à part.

— Ensuite, ce jardin, reprit M. Pickwick, comment y entrerai-je ?

— Le mur est très-bas, monsieur, et votre domestique vous fera la courte échelle.

— Mon domestique me fera la courte échelle, répéta machinalement M. Pickwick, et vous ne manquerez pas de m’ouvrir la porte de la maison ?…

— Vous ne pouvez pas vous tromper, monsieur. Il n’y a qu’une porte dans le jardin ; tapez-y quand vous entendrez sonner l’horloge, et je vous ouvrirai sur-le-champ.

— Je n’aime pas ce plan, redit M. Pickwick ; mais il faut bien l’adopter, car je n’en vois pas d’autre, et il s’agit du bonheur de cette jeune personne, pour toute sa vie. J’y irai, soyez-en sûr. »

Ainsi, pour la seconde fois, la bonté naturelle de M. Pickwick l’entraîna dans une entreprise, dont son excellent jugement l’aurait détourné.

« Comment s’appelle la maison ? demanda-t-il.

— Westgate-House, monsieur. Vous tournez un peu à droite quand vous arrivez au bout de la ville ; la maison est isolée, à une petite distance de la route, et son nom est sur une plaque de cuivre, sur la porte.

— Je le sais répondit M. Pickwick ; j’avais remarqué cette