Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/241

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n’aurait pas pu deviner les propriétaires, quand il se serait agi de sa vie.

Une courte conférence s’ensuivit ; la porte fut ouverte ; M. Pickwick sortit du cabinet et se trouva en présence de toute la pension, de Sam Weller, du vieux M. Wardle et de son futur gendre.

« Mon cher ami ! dit M. Pickwick en se précipitant vers M. Wardle et en saisissant ses mains ; mon cher ami ! au nom du ciel ! expliquez à ces dames la malheureuse, l’horrible situation dans laquelle je me trouve placé. Vous devez l’avoir apprise de mon domestique. Dites-leur à tout hasard, mon cher camarade, que je ne suis ni un brigand, ni un fou.

— Je l’ai dit, mon cher ami, je l’ai dit, répliqua M. Wardle en secouant la main droite du philosophe, tandis que M. Trundle secouait sa main gauche.

— Et ceux qui disent, ou bien qui ont dit qu’il l’était, s’écria Sam en s’avançant au milieu de la société, ils disent quelque chose qui n’est pas vrai, mais au contraire qu’est tout à fait l’opposite. Et s’il y a ici des hommes, n’importe combien, qui disent ça, je leur y donnerai une preuve convaincante du contraire, dans cette même chambre ici, si ces très-respectables ladies veulent avoir la bonté de se retirer et de faire monter leurs hommes, un à un. » Ayant exprimé ce défi chevaleresque avec une grande volubilité, Sam Weller frappa énergiquement la paume de sa main avec son poing fermé, et regarda miss Tomkins d’un air gracieux et en clignant de l’œil. Mais la galanterie de Sam ne produisit aucun effet sur cette vertueuse personne, qui avait entendu avec une horreur indicible la supposition, implicitement exprimée, qu’il pouvait se trouver des hommes dans l’enceinte d’une pension de demoiselles.

L’apologie de M. Pickwick fut bientôt terminée, mais on ne put tirer de lui aucune parole, ni pendant son retour à l’hôtel, ni lorsqu’il fut assis, avec ses amis, entre un bon feu et le souper dont il avait tant besoin. Il semblait étourdi, stupéfié. Une fois, une fois seulement, il se tourna vers M. Wardle et lui demanda :

« Comment êtes-vous venu ici ?

— J’avais arrangé, pour le premier du mois, une partie de chasse avec Trundle. Nous sommes arrivés cette nuit, et avons été fort étonnés d’apprendre que vous étiez dans ce pays. Mais je suis charmé de vous y voir, continua l’enjoué vieillard en frappant M. Pickwick sur le dos ; je suis charmé de vous y voir ; nous