Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/257

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« Ma chère, lui remontra M. Pott, ne vous abandonnez pas à ces sentiments exaltés. Je n’ai jamais cru que ce paragraphe eût aucun fondement ; aucun, ma chère ! Impossible ! J’étais seulement irrité, je puis dire furieux, ma chère, contre les éditeurs de l’Indépendant qui ont eu l’insolence de l’insérer. Voilà tout. » En parlant ainsi, M. Pott jeta un regard suppliant à la cause innocente du grabuge, pour l’engager à ne point parler du serpent.

« Et quelles démarches ferez-vous, monsieur, pour obtenir satisfaction ? demanda M. Winkle, qui reprenait du courage, en voyant que M. Pott perdait le sien.

— Ô Goodwin, murmura Mme Pott ; va-t-il cravacher l’éditeur de l’Indépendant ? le fera-t-il, Goodwin ?

— Chut ! chut ! madame. Calmez-vous, je vous en prie ! Certainement, il le cravachera si vous le désirez, madame.

— Assurément, reprit Pott, en voyant que sa moitié était sur le point de retomber en faiblesse. Nécessairement, je le cravacherai…

— Quand ? Goodwin, quand ? poursuivit Mme Pott, ne sachant pas encore si elle devait retomber.

— Sans délai, naturellement, répondit l’éditeur : avant que le jour soit terminé.

— Ô Goodwin ! reprit la dame, c’est le seul moyen d’apaiser le scandale, et de me remettre sur un bon pied dans le monde.

— Certainement, madame ; aucun homme, s’il est un homme, ne peut se refuser à faire cela. »

Cependant les attaques de nerfs planaient toujours sur l’horizon. M. Pott répéta de nouveau qu’il cravacherait, mais Mme Pott était si accablée par la seule idée d’avoir été soupçonnée, qu’elle fut une douzaine de fois sur le point de retomber ; et probablement une rechute serait arrivée, sans les efforts infatigables de l’attentive Goodwin, et sans les supplications repentantes du parti vaincu. À la fin, quand le malheureux Pott fut convenablement maté et complétement remis à sa place, Mme Pott se trouva mieux, et nos trois personnages commencèrent à déjeuner.

« J’espère, dit Mme Pott avec un sourire qui brillait à travers les traces de ses larmes, j’espère, monsieur Winkle, que les basses calomnies de ce journal n’accourciront pas votre séjour avec nous.

— J’espère que non, ajouta M. Pott, qui dans son cœur sou-