Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/265

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monsieur, quand vous aurez de la charge dedans, dit le grand garde-chasse d’un air rechigné ; ou je veux être damné si vous ne faites pas de la viande froide avec quelqu’un de nous. »

Ainsi admonesté, M. Winkle changea brusquement de position, et dans son empressement il amena le canon de son fusil en contact assez intime avec la tête de Sam.

« Holà ! cria Sam en ramassant son chapeau et en frottant les tempes. Holà ! monsieur, si vous y allez comme ça, vous remplirez grandement un de ces sacs ici, et du premier coup, encore. »

À ces mots le petit garçon aux guêtres de cuir laissa échapper un éclat de rire, et s’efforça au même instant de reprendre un air grave, comme si ce n’avait pas été lui. M. Winkle fronça le sourcil majestueusement.

« Martin, demanda M. Wardle, où avez-vous dit au garçon de nous retrouver avec le goûter ?

— Sur le coteau du chêne, monsieur, à midi.

— Est-ce que c’est sur la terre de sir Geoffrey ?

— Non, monsieur, c’est tout à côté. C’est sur la terre du capitaine Boldwig, mais il ne s’y trouvera personne pour nous déranger, et il y a là un joli brin de gazon.

— Très-bien, dit le vieux Wardle. Maintenant, plus tôt nous partirons, mieux cela vaudra. Vous nous rejoindrez à midi, Pickwick. »

M. Pickwick désirait voir la chasse, principalement parce qu’il avait quelques inquiétudes pour la vie et l’intégrité des membres de M. Winkle. D’ailleurs, par une si belle matinée, il était cruel de voir partir ses amis et de rester en arrière. C’est donc avec un air fort piteux qu’il répondit : « Il le faut bien, je suppose…

— Est-ce que le gentleman ne tire point ? demanda le long garde-chasse.

— Non, répondit M. Wardle, et de plus il est boiteux.

— J’aimerais beaucoup à aller avec vous, dit M. Pickwick, beaucoup. »

Il y eut un court silence de commisération. Le petit garçon le rompit en disant : « Il y a là, de l’aut’ côté de la haie, une brouette. Si le domestique du gentleman voulait le brouetter dans le sentier, il pourrait venir avec nous, et nous le ferions passer par-dessus les barrières, et tout ça.

— Voilà la chose, s’empressa de dire Sam Weller, qui était partie intéressée, car il désirait ardemment voir la chasse.