Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/324

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Contristé par l’idée d’une telle calamité, M. Peter Magnus tira la sonnette. Une servante apparut, et le sac rayé, le sac rouge, le carton à chapeau en cuir, et le paquet de papier gris ayant été transportés dans sa chambre à coucher, il se retira, avec un chandelier vernissé, dans une des ailes de la maison, tandis que M. Pickwick, avec un autre chandelier vernissé, était conduit dans une autre aile, à travers une multitude de passages tortueux.

« Voici votre chambre, monsieur, dit la servante.

— Très-bien, » répondit M. Pickwick en regardant autour de lui. C’était une assez grande pièce à deux lits, dans laquelle il y avait du feu, et qui paraissait plus confortable, au total, que M. Pickwick n’était disposé à l’espérer d’après sa courte expérience de l’aménagement du Grand Cheval blanc.

« Il va sans dire que personne ne dort dans l’autre lit ? fit-il observer.

— Oh ! non, monsieur.

— Très-bien. Dites à mon domestique que je n’ai plus besoin de lui ce soir, et qu’il m’apporte de l’eau chaude demain à huit heures et demie.

— Oui, monsieur. » Et la servante se retira après avoir souhaité une bonne nuit à notre philosophe.

M. Pickwick, demeuré seul, s’assit dans un fauteuil auprès du feu, et se laissa aller à une longue suite de méditations. D’abord il songea à ses amis, et se demanda quand ils viendraient le rejoindre. Ensuite son esprit retourna vers mistress Martha Bardell, et de cette dame, par une transition naturelle, il se reporta au bureau malpropre de Dodson et Fogg. De là, il s’enfuit, par une tangente, au centre même de l’histoire du singulier client ; puis il revint dans l’auberge du Grand Cheval blanc, à Ipswich, avec assez peu de lucidité pour convaincre M. Pickwick que le sommeil s’emparait rapidement de lui. Il se secoua donc, et commençait à se déshabiller lorsqu’il se rappela qu’il avait laissé sa montre sur la table, dans la salle d’en bas.

Or cette montre était un des biens meubles favoris de M. Pickwick, ayant été transportée de tous côtés, à l’ombre de son gilet, pendant un nombre d’années plus considérable qu’il ne nous paraît nécessaire de le déclarer actuellement au lecteur. On n’aurait pu faire pénétrer dans le cerveau du philosophe la possibilité de s’endormir sans entendre le tic-tac régulier de cette montre sous son traversin, ou dans le porte-montre accroché au chevet de son lit. En conséquence, comme il était