Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

muraille, si on le jugeait convenable. Après avoir exactement fermé les rideaux du lit du côté de la chambre, M. Pickwick s’assit dans la ruelle, sur la chaise de canne, et se débarrassa tranquillement de ses souliers et de ses guêtres. Ensuite il ôta et plia son habit, son gilet, sa cravate, et tirant lentement son bonnet de nuit de sa poche, il l’attacha solidement sur sa tête, en nouant sous son menton des cordons qui étaient toujours fixés à cette portion de son ajustement. Pendant cette opération l’absurdité de son récent embarras vint frapper plus fortement ses facultés risibles, et, se renversant sur sa chaise de canne, il se mit à rire en lui-même, de si bon cœur, que ç’aurait été un véritable délice, pour tout esprit bien constitué, de contempler le sourire qui épanouissait son aimable physionomie, sous son bonnet de coton orné d’une vaste mèche.

« C’est la plus drôle de chose, se dit M. Pickwick à lui-même en riant si démesurément qu’il en fit presque craquer les cordons de son bonnet ; c’est la plus drôle de chose dont j’aie jamais entendu parler, que de me voir ainsi perdu dans cette auberge, et errant dans tous ses escaliers. Drôle ! drôle ! très-drôle ! » M. Pickwick, souriant de nouveau, d’un sourire plus prononcé qu’auparavant, allait continuer à se déshabiller, lorsqu’il fut arrêté, tout à coup, par l’entrée inattendue d’une personne qui tenait une chandelle, et qui, après avoir fermé la porte, s’avança jusqu’auprès de la toilette et y posa sa lumière.

Le sourire qui se jouait sur les traits de M. Pickwick fut instantanément absorbé par l’expression de la surprise et de la stupeur la plus complète. La personne, quelle qu’elle fût, était arrivée si soudainement et avec si peu de bruit, que M. Pickwick n’avait pas eu le temps de crier ni de s’opposer à son entrée. Qui pouvait-ce être ? un voleur ? quelque individu mal intentionné, qui peut-être l’avait vu monter les escaliers, tenant à la main une belle montre. En tout cas que devait-il faire ?

Le seul moyen pour M. Pickwick d’observer son mystérieux visiteur, sans danger d’être vu lui-même, était de grimper sur le lit pour lorgner dans la chambre, et d’entr’ouvrir les rideaux. Il eut donc recours à cette manœuvre, et les tenant d’une main soigneusement fermés de manière à ne laisser passer que sa tête et son bonnet de coton, il mit sur son nez ses lunettes, rassembla tout son courage, et regarda.

Mais il s’évanouit presque d’horreur et de confusion lors-